L’article 4 c) de la convention n° 190 prévoit l’adoption d’une stratégie globale afin de mettre en œuvre des mesures pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement, tandis que l’article 8 impose aux pays de «prendre des mesures appropriées pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail». Cette obligation s’applique à toutes les occurrences possibles de violence de harcèlement, telles que définies à l’article 1, contre les personnes couvertes par l’article 2 et dans tous les cas visés à l’article 3, y compris les trajets entre le domicile et le lieu de travail et la violence et le harcèlement en ligne. La convention n° 190 ne comprend pas de liste de mesures précises mais accorde aux pays une flexibilité quant à la mise en œuvre des mesures les plus appropriées au regard des circonstances nationales 20.
Encadré 13. Prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail: mesures adoptées par des gouvernements
Ces dernières années, certains pays ont élargi le champ d’application de la protection du droit du travail afin d’y inclure des catégories de travailleurs qui en étaient généralement exclues, dont les travailleurs domestiques. D’autres ont modifié leur code pénal afin d’y ériger en infraction certaines formes de violence et de harcèlement ou d’y prévoir des peines plus lourdes en cas d’abus de pouvoir ou de position hiérarchique. D’autres encore ont pris des mesures pour combattre la violence et le harcèlement en ligne, pour rendre les transports publics plus sûrs, ainsi que pour lutter contre la violence et le harcèlement dans la rue.
4.2.1. Comment protéger les travailleurs de l’économie informelle?
S’il contient une obligation générale relative à la prise des mesures appropriées pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail, l’article 8 impose également aux pays qui ratifient la convention de prendre des mesures liées à l’économie informelle et aux secteurs, professions et modalités de travail qui exposent davantage les personnes à la violence et au harcèlement. En particulier, s’agissant de l’économie informelle, il dispose que ces pays doivent:
- «reconnaître le rôle important des pouvoirs publics en ce qui concerne les travailleurs de l’économie informelle» (art. 8 a)); et
- «prendre des mesures pour protéger ces personnes de manière efficace» (art. 8 c)).
Cette disposition a été ajoutée pour répondre au fait que nombre de travailleurs de l’économie informelle, en particulier ceux qui travaillent dans des espaces publics, notamment les vendeurs ambulants et les ramasseurs de déchets, subissent la violence et le harcèlement des autorités publiques qui leur confisquent des biens, leur exigent des faveurs sexuelles ou les dispersent de force (OIT 2019b).
Encadré 14. Exemples dans les réformes législatives récentes et les initiatives des partenaires sociaux
Ces dernières années, des mesures spéciales visant à protéger les travailleurs de l’économie informelle ont englobé ces travailleurs dans le champ d’application du droit du travail, en décriminalisant les travailleurs ambulants, en allégeant la législation relative à l’octroi de permis et en garantissant leur participation à la planification et à la prise de décisions les concernant.
En outre, le paragraphe 11 de la recommandation n° 206 recommande aux pays de fournir des ressources et une assistance aux travailleurs et aux employeurs de l’économie informelle, et à leurs associations, pour prévenir et agir contre la violence et le harcèlement dans l’économie informelle, lorsqu’ils facilitent la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle. Cette disposition se fonde sur la recommandation (n° 204) de l’OIT sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, 2015, qui prévoit l’adoption d’un cadre de politiques intégrées pour faciliter cette transition. Ce cadre devrait notamment porter sur «la promotion de l’égalité et l’élimination de toutes les formes de discrimination et de violence, y compris la violence sexiste, sur le lieu de travail» (paragr. 11) (OIT 2020g; BIT 2019).
Encadré 15. Économie sociale et solidaire: un allié important dans la facilitation d’un environnement de travail exempt de violence et de harcèlement
Entre autres moyens, les coopératives et autres formes d’économie sociale et solidaire permettent la formalisation en transformant des activités marginales, souvent de survie, en un travail juridiquement protégé, pleinement intégré dans l’économie formelle. En donnant des possibilités d’emploi productif et décent, les coopératives jouent également un rôle essentiel dans l’amélioration des conditions de travail, notamment dans la prévention de la violence et du harcèlement dans l’économie informelle et la lutte contre ce phénomène. En 2019, l’Alliance coopérative internationale a adopté la Déclaration sur le travail décent et contre le harcèlement, dans laquelle elle s’engage formellement à promouvoir un environnement de travail décent et une tolérance zéro envers toute forme de harcèlement sexuel et moral et de violence sur le lieu de travail et envers toute conduite inappropriée, notamment l’intimidation, l’oppression, la discrimination et l’abus de pouvoir.
Les coopératives peuvent dispenser une formation sur la violence et le harcèlement. À titre d’exemple, au Brésil, les coopératives aident les ramasseurs de déchets à améliorer leur revenu et facilitent les négociations avec les autorités publiques et les intermédiaires privés en contribuant à l’amélioration de la sécurité et de la santé au travail, de la protection juridique et sociale et de la prévention contre la violence et le harcèlement (Dias 2020; 2016).
4.2.2. Mesures spécifiques pour les secteurs, professions et modalités de travail très exposés
L’article 8 b) et c) de la convention n° 190 dispose que les pays qui ont ratifié la convention doivent identifier, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées et par d’autres moyens, les secteurs ou professions et les modalités de travail qui exposent davantage les travailleurs et autres personnes concernées à la violence et au harcèlement, et prendre des mesures pour protéger ces personnes de manière efficace. Le paragraphe 9 de la recommandation n° 206 définit certains de ces secteurs, professions et modalités de travail: le travail de nuit, le travail isolé, le secteur de la santé, l’hôtellerie et la restauration, les services sociaux, les services d’urgence, le travail domestique, les transports, l’éducation ou le secteur du divertissement 22. Ainsi, il apparaît clairement que ces instruments ne sont pas fondés sur une approche «passe-partout», mais plutôt sur l’idée selon laquelle la prévention et l’élimination efficaces de la violence et du harcèlement passent par une compréhension approfondie de chaque contexte et environnement de travail.
Encadré 16. Dispositions contre la violence et le harcèlement dans des secteurs, professions ou modalités de travail choisis
Conformément à l’article 12 de la convention n° 190, selon lequel les dispositions de la convention peuvent être appliquées par des «conventions collectives ou d’autres mesures conformes à la pratique nationale», plusieurs mesures ont été récemment élaborées et mises en œuvre par des organisations d’employeurs et de travailleurs pour garantir une protection efficace et adaptée contre la violence et le harcèlement dans certains secteurs (voir encadré 17).
Encadré 17. Initiatives menées par les partenaires sociaux et les entreprises dans certains secteurs
20 D’après le Manuel de rédaction des instruments de l’OIT, «le qualificatif “adéquat(e)(s)” est généralement traduit en anglais par le mot “adequate”. En français, ce terme est souvent employé dans le sens d’”approprié”. La divergence entre l’un des sens donnés à ce terme en anglais (suffisant, satisfaisant) peut conduire à des inconsistances entre les deux textes» (BIT 2006, p. 116).
21 En particulier, l’article 2 prévoit que le Système national de prise en charge et de prévention de la violence à l’égard des femmes et de la violence intrafamiliale intègre et favorise les mesures de prévention, d’intervention et de prise en charge des cas de harcèlement sexuel dans les espaces publics et les zones d’accès public. En outre, ladite loi prévoit que la police, sans exception, inclut dans ses programmes de prévention de la criminalité et de sûreté des citoyens des mesures spéciales contre le harcèlement sexuel de rue.
22 Pour un aperçu des initiatives récentes des partenaires sociaux dans le secteur du divertissement, voir OIT 2020h.
23 À titre d’exemple, dans l’Illinois, l’article 5 de la loi sur la sûreté des salariés des hôtels et casinos dispose que chaque hôtel et chaque casino est tenu d’équiper tous les salariés qui doivent travailler seuls dans une chambre d’un dispositif de contact d’urgence ou d’un bouton d’urgence qui peut être utilisé pour appeler à l’aide si un salarié estime raisonnablement qu’il y a infraction, harcèlement sexuel, agression sexuelle ou autre situation d’urgence (Baratt 2019). Les villes concernées sont notamment New York, Chicago, Seattle et Santa Monica (Campbell 2019).