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1.1. Combler une lacune dans les normes internationales du travail
La convention n° 190 et la recommandation n° 206 sont ancrées dans la Déclaration de Philadelphie (1944), qui dispose que «tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales». La nécessité de protéger la dignité de tous les êtres humains est intrinsèque aux travaux de l’OIT depuis sa création. Tout au long de son histoire, l’OIT a adopté plusieurs normes dont l’objectif est de protéger les travailleurs en général, ou certaines catégories de travailleurs, contre des situations dans lesquelles la violence et le harcèlement sont présents (voir tableau ci-après) (BIT 2017; 2016a). À titre d’exemple, certaines formes illégales de travail visées par les conventions fondamentales de l’OIT sont par nature liées à la violence (BIT 2017) 1. D’autres normes internationales du travail mentionnent expressément différentes manifestations de la violence et du harcèlement dans le monde du travail ou couvrent, d’après la Commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et recommandations (CEACR), certaines manifestations de la violence et du harcèlement. Plusieurs instruments de l’OIT concernent la sécurité et la santé au travail (SST) et visent à protéger la sécurité et la santé des travailleurs, y compris contre le risque de violence et de harcèlement 2. Même si la violence et le harcèlement ne sont pas expressément visés dans ces instruments, ces comportements constituent un risque pour la santé. Les instruments de l’OIT relatifs à la sécurité sociale énoncent le droit aux soins médicaux et aux soins connexes ainsi qu’à la réadaptation, y compris aux soins psychologiques et au traitement des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, ainsi qu’en cas de maladies générales. Ils visent également à assurer le versement de paiements périodiques en cas d’incapacité de travail temporaire, de perte permanente de la capacité de gain ou de décès 3.
Dispositions choisies sur la violence et le harcèlement qui figurent dans d’autres conventions, protocoles et recommandations de l’OIT
Conventions
Dispositions sur la violence et le harcèlement
Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930, et le protocole de 2014 y afférent; Convention (n° 105) sur l’abolition du
travail forcé, 1957
La convention n° 29 définit le travail forcé ou obligatoire comme
«tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une
peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de
plein gré» (art. 2(1)). La «menace d’une peine» doit s’entendre dans
un sens très large qui couvre les sanctions pénales ainsi que
diverses formes de coercition comme la violence physique, la
coercition psychologique, la rétention de papiers d’identité, etc. La
peine en question peut également prendre la forme de la privation
d’un droit ou d’un avantage (BIT 2012).
Convention (n°87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948; Convention (n°98) sur le droit
d’organisation et de négociation
collective, 1949
Si ces instruments n’incluent pas une interdiction explicite de la
violence contre les activités syndicales, conformément à la
Résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations
avec les libertés civiles, l’OIT, la Commission de l’application des
normes de la Conférence et le Comité de la liberté syndicale n’ont
de cesse de relever l’interdépendance entre les libertés civiles et les
droits syndicaux, et en particulier l’importance, pour les syndicats,
d’opérer dans un climat exempt de violence, de pressions ou de
menaces de quelque nature que ce soit (OIT 1970; BIT 2012).
Convention (n° 138) sur l’âge minimum,
1973; Convention (n° 182) sur les pires formes
de travail des enfants, 1999
Les pires formes de travail des enfants comportent par définition la
violence et le harcèlement physique et psychologique (convention
n° 182, art. 3 a) à d)). En outre, l’exposition possible à la violence et
au harcèlement sert dans la détermination des travaux dangereux
(convention n° 138, art. 3(1); convention n° 182, art. 3 d)) (BIT 2012).
Convention (n° 111) concernant la
discrimination (emploi et profession), 1958
Le harcèlement sexuel est considéré comme une forme grave de
discrimination fondée sur le sexe qui relève du champ d’application
de la convention (art. 1) (BIT 2012). Les définitions de la discrimination
devraient également comprendre le harcèlement fondé sur la
discrimination en tant que forme grave de discrimination, en particulier
le harcèlement racial (OIT CEACR 2019).
Convention (n° 169) relative aux peuples
indigènes et tribaux, 1989
L’article 20(3) dispose que les travailleurs appartenant aux peuples
indigènes et tribaux jouissent d’une protection contre le harcèlement
sexuel.
Convention (n° 181) sur les agences d’emploi
privées, 1997
L’article 8(1) prévoit l’adoption de mesures pour faire en sorte que
les travailleurs migrants recrutés ou placés sur son territoire par des
agences d’emploi privées bénéficient d’une protection adéquate, et
pour empêcher que des abus ne soient commis à leur encontre.
Convention du travail maritime, 2006
(MLC, 2006)
Le principe directeur B4.3.1 dispose que l’autorité compétente doit
veiller à ce qu’il soit tenu compte des conséquences pour la santé
et la sécurité du harcèlement et de l’intimidation. Le principe
directeur B4.3.6 dispose que, s’agissant des enquêtes, il faudrait
envisager d’inclure les problèmes résultant du harcèlement et de
l’intimidation.
Recommandation (n° 200) sur le VIH et
le sida, 2010
Le paragraphe 14 c) dispose que des mesures devraient être prises
sur le lieu de travail ou par l’intermédiaire de celui-ci pour réduire
la transmission du VIH et atténuer son impact, en vue notamment
«de garantir des actions de prévention et d’interdiction de la
violence et du harcèlement sur le lieu de travail».
Convention (n° 189) et recommandation
(n° 201) sur les travailleuses et travailleurs
domestiques, 2011
L’article 5 dispose que tout Membre doit prendre des mesures afin
d’assurer que les travailleurs domestiques bénéficient d’une
protection effective contre toutes les formes d’abus, de harcèlement
et de violence. Le paragraphe 7 de la recommandation n° 201
mentionne la mise en place des mécanismes destinés à protéger les
travailleurs domestiques des abus, du harcèlement et de la violence,
notamment en créant des mécanismes de plainte accessibles, en
assurant que toutes les plaintes pour abus, harcèlement et violence
soient instruites et donnent lieu à des poursuites, et en élaborant
des programmes de relogement et de réadaptation des travailleurs
domestiques victimes d’abus, de harcèlement et de violence.
Recommandation (n° 204) sur la transition
de l’économie informelle vers l’économie
formelle, 2015
Le paragraphe 11(f) recommande l’adoption d’un cadre de
politiques intégrées qui devrait porter sur «la promotion de l’égalité
et l’élimination de toutes les formes de discrimination et de
violence, y compris la violence sexiste, sur le lieu de travail».
Recommandation (n° 205) sur l’emploi
et le travail décent pour la paix et la
résilience, 2017
Le paragraphe 15(e) dispose ce qui suit: «Dans leur réponse à la
discrimination résultant de conflits ou de catastrophes ou
exacerbée par ceux-ci, et lorsqu’ils prennent des mesures pour
promouvoir la paix, prévenir les crises, permettre le redressement
et renforcer la résilience, les Membres devraient: […] e) prévenir et
punir toutes les formes de violence sexiste, notamment le viol,
l’exploitation sexuelle et le harcèlement sexuel, et protéger et
soutenir les victimes.»
1 Le Conseil d’administration du BIT a dénombré huit conventions «fondamentales» qui couvrent des sujets considérés comme étant des principes et droits fondamentaux au travail: la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective; l’élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire; l’abolition effective du travail des enfants; et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. Ces principes sont couverts par la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (1998) (OIT 2019a; 2018d). Pour en savoir plus, voir OIT, «Conventions et recommandations».
2 Les normes de l’OIT relatives à la SST sont les suivantes: la convention (n° 155) et la recommandation (n° 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981; le protocole de 2002 relatif à la convention sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981; la convention (n° 161) et la recommandation (n° 171) sur les services de santé au travail, 1985; la recommandation (n° 194) sur la liste des maladies professionnelles, 2002; et la convention (n° 187) et la recommandation (n° 197) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006.
3 Les principales normes de l’OIT relatives aux prestations en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle sont: la Partie VI de la convention (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952; la convention (n° 121) sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964 [tableau I modifié en 1980]; la recommandation (n° 121) sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964; et la recommandation (n° 194) sur la liste des maladies professionnelles, 2002.
1.2. Renforcement du droit international du travail
Toutes ces dispositions montrent comment l’OIT a abordé les questions liées à la violence et au harcèlement tout au long des dernières décennies (Chappell et Di Martino 2006; BIT 2017; Trebilcock 2019). Elle a néanmoins procédé de manière fragmentée, en protégeant uniquement certains groupes et seulement contre certaines manifestations de comportements violents et de harcèlement. Un instrument complet couvrant tous les cas de violence et de harcèlement pour tous les travailleurs et les autres personnes dans le monde du travail était nécessaire. En 2015, le Conseil d’administration du BIT a décidé qu’il fallait combler cette lacune. Après un dialogue approfondi aux niveaux national, régional et international (résumé dans la figure 1), la convention n° 190 et la recommandation n° 206 ont été finalement adoptées à la 108e session de la Conférence internationale du Travail (2019) par une majorité écrasante des mandants tripartites de l’OIT (BIT 2016a; 2016b; 2017; OIT 2018a; 2018b; 2019b; 2019d) 4. En tant que traité international contraignant, la convention n° 190 énonce les principes fondamentaux que les pays qui la ratifient doivent mettre en œuvre. La recommandation n° 206 accompagne la convention n° 190 et contient des orientations plus détaillées, quoique non contraignantes, sur la façon dont la convention n° 190 pourrait être appliquée (OIT 2019a).
4 Pour le vote final par appel nominal sur la convention n° 190 et la recommandation n° 206, voir OIT 2019b; OIT 2019d.
1.3. Les éléments novateurs de la convention n° 190 et de la recommandation n° 206
La convention n° 190 intègredansunmêmeinstrumentl’égalitéetlanon-discriminationainsiquelasécurité et la santé au travail et se fonde sur la dignité et le respect de l’être humain. Elle constate que la violence et le harcèlement peuvent constituer une violation des droits humains ou une atteinte à ces droits, et contient, ce qui représente une première, un concept composite unique de la violence et du harcèlement (art. 1). Elle impose aux États Membres d’adopter une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre qui vise à prévenir et à éliminer ces comportements dans le monde du travail (art. 4(2)). Cette approche envisage des mesures dans les domaines de la prévention, de la protection, du contrôle de l’application, des moyens de recours et de réparation, des orientations, de la formation et de la sensibilisation (art. 4 et 7 à 11) et prend en compte les tiers en tant que victimes et auteurs. En adoptant cette approche, la convention n° 190 impose aux États de reconnaître les fonctions et les rôles différents et complémentaires des gouvernements, et des employeurs et travailleurs et de leurs organisations respectives, en tenant compte de la nature et de l’étendue variables de leurs responsabilités respectives (art. 4(3) et 9).
La convention offre un large champ de protection (art. 2) et vise à combattre la violence et le harcèlement qui s’exercent «à l’occasion, en lien avec ou du fait du travail», dans l’économie formelle ou informelle, tant dans le secteur privé que dans le secteur public (art. 3). Elle met fortement l’accent sur les notions d’inclusion (art. 2 et 6) et d’accessibilité (art. 4(2), 9 d) et 11 b)) et reconnaît que certains groupes et travailleurs dans certains secteurs, exerçant certaines professions et travaillant selon certaines modalités de travail, sont particulièrement vulnérables à la violence et au harcèlement (art. 6 et 8). Elle comprend une forte perspective tenant compte des considérations de genre dans le but de combattre les causes profondes des formes discriminatoires de violence et de harcèlement.
La convention n° 190 et la recommandation n° 206 réaffirment le rôle crucial de l’OIT en matière normative. Elles sont la preuve tangible de la valeur et de la force immuables du dialogue social entre les gouvernements, les représentants des employeurs et les représentants des travailleurs, et attestent que le dialogue social et le tripartisme sont essentiels à la mise en œuvre de ces normes au niveau national.
Figure 1. La voie vers l’adoption de la convention n° 190 et de la recommandation n° 206
2.1. Qu’appelle-t-on violence et harcèlement?
La convention n° 190 désigne par violence et harcèlement un concept composite unique qui couvre «un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques» au lieu de donner une définition fermée ou uniforme de ce qui constitue la violence ou le harcèlement dans le monde du travail.
Définitions
Article 1
Aux fins de la présente convention:
l’expression «violence et harcèlement» dans le monde du travail s’entend d’un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre;
l’expression «violence et harcèlement fondés sur le genre» s’entend de la violence et du harcèlement visant une personne en raison de son sexe ou de son genre ou ayant un effet disproportionné sur les personnes d’un sexe ou d’un genre donné, et comprend le harcèlement sexuel.
Sans préjudice des dispositions des alinéas a) et b) du paragraphe 1 du présent article, les définitions figurant dans la législation nationale peuvent énoncer un concept unique ou des concepts distincts.
Cette approche permet la flexibilité nécessaire pour couvrir les différentes manifestations de la violence et du harcèlement, y compris les nouvelles qui apparaissent progressivement (OIT 2018b). Elle permet également à l’expression «violence et harcèlement» de couvrir un large éventail de termes que l’on retrouve dans différentes lois pour décrire des phénomènes identiques ou similaires (voir figure 2). Ces lois reconnaissent souvent qu’il n’existe pas de distinction claire entre violence et harcèlement (OIT 2018b; 2019b).
La définition qui figure à l’article 1 a) comprend deux éléments. Le premier est la conduite interdite, qui englobe «un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques». L’emploi du mot «ensemble» précise que violence et harcèlement peuvent s’entendre comme englobant des conduites de nature différente, soit des comportements indépendants, soit une combinaison de comportements, y compris des comportements de plus en plus graves (OIT 2018b). Qu’elle se produise à une seule occasion pour être considérée comme de la violence et du harcèlement ou de manière répétée, dans tous les cas, cette conduite doit être «inacceptable» au regard de considérations subjectives et objectives (OIT 2019b). Pour être inacceptable, cette conduite doit «avoir pour but de causer, [causer] ou [être] susceptible de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique». L’inclusion du «dommage économique» aux côtés des dommages d’ordre physique, psychologique et sexuel garantit que toutes les formes de violence et de harcèlement sont englobées. Le dommage économique s’entend de la perte de revenu ou de dommages matériels, mais également des restrictions à l’accès à des ressources financières, à l’éducation ou au marché du travail, y compris de la restriction à la possibilité, pour une personne, de rester sur le marché du travail ou d’y progresser.
Figure 2. La violence et le harcèlement dans le monde du travail: un large éventail de termes
Cette définition n’inclut pas l’intention en tant qu’élément constitutif 5. De ce fait, la convention n° 190 adopte une approche pragmatique et centrée sur la victime qui met l’accent sur le caractère inacceptable de la conduite, des pratiques ou des menaces, ainsi que sur leur effet sur les victimes. L’absence de mention des auteurs dans le libellé de l’article 1 renforce le but de ces instruments qui est d’interdire toutes les formes de violence et de harcèlement dans le monde du travail, quelle qu’en soit la source, et:
qu’elles soient exercées par ou contre une personne qui exerce l’autorité, les obligations ou les responsabilités d’un employeur (verticale),
qu’elles soient dirigées contre un pair (horizontale), ou
qu’elles impliquent des tiers, par exemple des clients, des patients, des passagers ou des usagers.
Si elle propose un concept unique couvrant la violence et le harcèlement, la convention n° 190 tient compte de la diversité des systèmes juridiques et approches réglementaires nationaux et permet aux États de choisir d’énoncer un concept unique ou des concepts distincts dans leurs définitions figurant dans la législation nationale (art. 1(2)), tout en veillant à ce que tous les éléments de la définition contenus dans la convention n° 190 soient respectés (OIT 2019e; 2019b). Cette disposition est directement liée à l’obligation qui découle de la convention, à savoir «[définir] et [interdire] la violence et le harcèlement dans le monde du travail» (art. 7). Cela est essentiel, car la législation jette les bases d’une culture du respect, y compris au travail, et peut déclencher un changement durable dans la société. En favorisant une culture de la dignité et du respect pour tous, la loi joue un rôle crucial dans la prévention et l’éradication de la violence et du harcèlement. Elle peut notamment orienter l’élaboration des programmes de prévention, favoriser la détermination précise des causes et des conséquences, garantir la tenue d’enquêtes et apporter une protection et un soutien aux plaignants.
Encadré 1. Exemples de définitions de la violence et du harcèlement dans les réformes législatives récentes
Le Canada définit «le harcèlement et la violence» comme «tout acte, comportement ou propos, notamment de nature sexuelle, qui pourrait vraisemblablement offenser ou humilier un employé ou lui causer toute autre blessure ou maladie, physique ou psychologique, y compris tout acte, comportement ou propos réglementaire» (Code canadien du travail, tel que modifié en 2018, art. 122(1)).
La Côte d’Ivoire définit le «harcèlement moral» comme suit: «Constituent un harcèlement moral les comportements abusifs, les menaces, les attaques, les paroles, les intimidations, les écrits, les attitudes, les agissements répétés à l’encontre d’un salarié, ayant pour objet ou pour effet la dégradation de ses conditions de travail et qui comme tels sont susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel» (Code du travail de 2015, art. 5(5)).
L’Irlande définit le harcèlement au travail comme suit:
le harcèlement au travail est un comportement inapproprié répété, direct ou indirect, de nature verbale, physique ou autre, d’une ou de plusieurs personnes à l’égard d’une ou de plusieurs personnes, sur le lieu de travail ou pendant le travail, qui pourrait être considéré comme compromettant le droit de l’individu à la dignité au travail. Un cas isolé de comportement ci-décrit peut constituer une atteinte à la dignité au travail; toutefois, en tant que cas isolé, il n’est pas considéré comme du harcèlement (décret de 2020 portant Code de bonne pratique à l’intention des employeurs et des salariés en ce qui concerne la prévention et l’élimination du harcèlement au travail).
Le Japon utilise l’expression «harcèlement hiérarchique» pour définir des actes ou des propos: a) tirant avantage de la supériorité hiérarchique du harceleur; b) nuisant à l’environnement de travail; et c) allant au-delà de ce qui est nécessaire ou approprié pour l’exercice du travail (loi de promotion globale de la politique du travail, art. 30-2, paragr. 1, telle que modifiée en 2019) (Bibliothèque du Congrès 2020).
Mexique: le 23 octobre 2019, la norme officielle mexicaine NOM-035-STPS-2018 (NOM-035) sur la détermination, l’analyse et la prévention des facteurs de risques psychosociaux au travail est entrée en vigueur. La «violence au travail» y est définie comme suit: «actes de harcèlement, d’intimidation ou mauvais traitements à l’égard des travailleurs qui peuvent nuire à leur intégrité ou à leur santé» (art. 4.12).
PortoRico(États-Unisd’Amérique)définit le «harcèlementautravail» comme suit:
conduite malveillante, non désirée, répétée et abusive; arbitraire, déraisonnable ou capricieuse; verbale, écrite ou physique; affichée de manière répétée par l’employeur, ses agents, des superviseurs ou des salariés, étrangère aux intérêts légitimes des affaires de l’employeur, non désirée par la personne, qui porte atteinte à ses droits constitutionnels dont: l’inviolabilité de la dignité de la personne, la protection contre les atteintes violentes contre son honneur, sa réputation et sa vie privée ou familiale, et la protection du travailleur contre les risques pour sa santé ou son intégrité personnelle dans son travail ou son emploi. Une telle conduite de harcèlement crée un environnement de travail intimidant, humiliant, hostile ou injurieux, qui ne permet pas à une personne raisonnable d’exécuter ses fonctions ou tâches normalement (loi n° 90 de 2020, art. 90).
La République de Corée définit le «harcèlement au travail» comme «un agissement d’un employeur (ou chef d’entreprise) ou d’un employé (ou travailleur) qui cause une souffrance physique ou mentale ou qui dégrade l’environnement de travail d’un autre employé/travailleur en tirant avantage de son statut ou de leur relation de travail au-delà du cadre du travail» (loi sur les normes du travail, telle que modifiée en 2018, art. 76(2)).
Slovénie: l’article 7 de la loi de 2013 sur les relations de travail établit la distinction entre le harcèlement et l’intimidation: le «harcèlement» est défini comme «tout comportement non désiré associé à toute circonstance personnelle» énumérée dans ledit article, tandis que l’«intimidation» au travail est définie comme «tout acte ou comportement répété ou systématique, répréhensible ou clairement négatif et insultant visant un travailleur sur le lieu de travail ou en lien avec le travail».
2.1.1. Violence et harcèlement fondés sur le genre
La notion de violence et de harcèlement énoncée à l’article 1 a) de la convention inclut expressément
«la violence et le harcèlement fondés sur le genre». En l’intégrant dans la définition générale de la violence et du harcèlement, les éléments de la conduite offensante et l’impact qui en découle ou l’effet visé s’appliquent également au concept de violence et harcèlement fondés sur le genre (OIT 2018b, paragr. 273) 6.
Pour plus de clarté, la convention définit l’expression violence et harcèlement fondés sur le genre comme
«la violence et le harcèlement visant une personne en raison de son sexe ou de son genre ou ayant un effet disproportionné sur les personnes d’un sexe ou d’un genre donné, et comprend le harcèlement sexuel» (art. 1 b)):
La mention de la «personne» est importante, car elle élargit la définition de la violence fondée sur le genre par rapport à d’autres instruments internationaux et régionaux. Si la violence et le harcèlement fondés sur le genre touchent les femmes et les filles de manière disproportionnée – comme reconnu dans le préambule de la convention n° 190 –, la convention n° 190 vise à protéger tous les individus contre ces comportements 7.
La mention du «sexe ou genre» rend les fonctions et caractéristiques biologiques qui différencient les hommes et les femmes (à savoir, le sexe) et les différences sociologiques entre les hommes et les femmes qui sont acquises et qui évoluent au fil du temps (à savoir, le genre) pertinentes au regard de la convention n° 190 et de la recommandation n° 206 (BIT 2012).
La définition de l’expression violence et harcèlement fondés sur le genre comprend expressément le «harcèlement sexuel». En tant que manifestation grave de la discrimination sexuelle et violation des droits de l’homme, le harcèlement sexuel a déjà été abordé avant l’adoption de la convention n° 190 dans le contexte de la convention (n° 111) de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 (BIT 2012; OIT 2020a; Cruz et Klinger 2011; OIT et ONU-Femmes 2019). Dans ce cadre, et d’après l’observation générale de 2002 de la CEACR, la définition du harcèlement sexuel contient les deux éléments clés suivants:
Quid pro quo – tout comportement non désiré à connotation sexuelle s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, ou tout autre comportement fondé sur le sexe, ayant pour effet de porter atteinte à la dignité de femmes et d’hommes, qui n’est pas bienvenu, déraisonnable et offense la personne; et le rejet d’une telle conduite par une personne, ou sa soumission à cette conduite, utilisé de manière explicite ou implicite comme base d’une décision qui affecte son travail;
Environnement de travail hostile – une conduite qui a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour une personne.
Encadré 2. Renforcement de la protection contre la violence et le harcèlement fondés sur le genre dans la législation liée au travail
Ces dernières années, de nombreux pays ont adopté des dispositions particulières dans les lois et réglementations liées au travail dans le but de définir la violence et le harcèlement fondés sur le genre et, en particulier, le harcèlement sexuel.
Iraq: l’article 10 de la loi n° 37/2015 sur le travail interdit le harcèlement sexuel en disposant ce qui suit:
La présente loi interdit le harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession, au stade de la recherche de travail, de la formation professionnelle, du recrutement ou des conditions de travail.
La présente loi interdit tout autre comportement qui crée un environnement de travail hostile, intimidant ou offensant pour la personne qui est la cible de ce comportement.
En vertu des dispositions de la présente loi, le harcèlement sexuel est toute conduite physique ou verbale de nature sexuelle ou tout autre conduite fondée sur le sexe qui porte atteinte à la dignité des femmes et des hommes, qui est indésirable et déraisonnable, et qui insulte la victime de cette conduite, et le rejet de cette conduite par quiconque entraînant explicitement ou implicitement une décision ayant des répercussions sur son emploi.
Le Libéria définit le «harcèlement sexuel» comme:
la conduite sexuelle qui n’est pas bienvenue, qui est déraisonnable ou qui offense la personne, et qui se produit dans des circonstances dans lesquelles le rejet d’une telle conduite par une personne, ou sa soumission à cette conduite, sert explicitement ou implicitement de base à une décision qui affecte son travail;
la conduite sexuelle qui a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour la personne soumise à cette conduite (loi de 2015 sur le travail décent, art. 2.8 b)).
Le Niger définit le «harcèlement sexuel, dans le cadre de l’exécution du contrat de travail» comme «consistant à obtenir d’autrui par ordre, parole, intimidation, acte, geste, menace ou contrainte, des faveurs de nature sexuelle, ainsi que toute autre conduite de nature sexuelle, qui a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour une personne» (décret n° 2017-682/PRN/MET/ PS portant partie réglementaire du Code du travail, art. 122).
La Roumaniedéfinit la «violencefondéesurlegenre» comme suit:
L’acte de violence visant une femme ou, selon le cas, un homme, motivé par le fait qu’il s’agit d’une femme ou d’un homme. La violence fondée sur le genre contre les femmes est la violence qui touche les femmes de manière disproportionnée. La violence fondée sur le genre comprend, sans s’y limiter, la violence domestique, la violence sexuelle, les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, l’avortement forcé et la stérilisation forcée, le harcèlement sexuel, la traite des êtres humains et la prostitution forcée (loi n° 202 de 2002 sur l’égalité de chances et de traitement entre les femmes et les hommes, telle que modifiée en 2015 et en 2018, art. 4).
Uruguay: l’article 2 de la loi de 2009 sur le harcèlement sexuel, telle que modifiée en 2017, définit le «harcèlement sexuel» comme «tout comportement de nature sexuelle adopté par une personne du même sexe ou pas, non désiré par la personne qu’il vise et dont le rejet par celle-ci induit ou menace d’induire un préjudice concernant sa situation au travail ou dans la relation entre l’enseignant et l’étudiant, ou a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour la personne visée par cette conduite».
La convention n° 190 reconnaît que, pour prévenir pleinement et éradiquer la violence et le harcèlement fondés sur le genre dans le monde du travail, les pays qui la ratifient doivent en combattre les causes profondes que sont notamment les formes multiples et croisées de discrimination; les rapports de pouvoir inégaux fondés sur le sexe; les stéréotypes liés au genre; et les normes de genre, sociales et culturelles qui favorisent la violence et le harcèlement. En vue de combattre les causes profondes de la violence et du harcèlement fondés sur le genre, ainsi que d’en réduire les effets préjudiciables, la convention n° 190 plaide pour l’adoption d’une «approche tenant compte des considérations de genre». Le fait de tenir compte des considérations de genre s’entend du fait d’employer intentionnellement des considérations de genre pour modifier la conception, l’élaboration, la mise en œuvre et les résultats des programmes et stratégies, des politiques, des lois et des réglementations, ainsi que des conventions collectives. Une telle approche consiste à: refléter les réalités de toutes les filles et les femmes; accorder une attention à leurs besoins uniques; garantir leur participation à des processus de prise de décisions à tous les niveaux; valoriser leur point de vue; respecter leur expérience; et comprendre les différences de développement entre filles et garçons, femmes et hommes dans toute leur diversité et tout au long du cycle de vie. Le but ultime est de donner aux filles et aux femmes les moyens d’agir, en vue de promouvoir l’égalité de genre dans la pratique et de parvenir à l’équité de genre.
Violencedomestiqueetmondedutravail
De tout temps, la violence domestique a été reléguée au rang de question «privée», sans lien avec la sphère publique ou le monde du travail. De manière appréciable, la convention n°190 reconnaît les répercussions négatives que la violence domestique peut avoir en général sur le monde du travail, y compris s’agissant de l’emploi, de la productivité, ainsi que de la sécurité et la santé. Elle reconnaît également la contribution positive que les gouvernements, les organisations d’employeurs et de travailleurs et les institutions du marché du travail peuvent apporter pour atténuer l’impact de la violence domestique dans le monde du travail (préambule et art. 10 f)). La violence domestique peut représenter un risque particulier qui compromet la santé et la productivité de tous les travailleurs et autres personnes concernées, y compris les personnes qui exercent l’autorité, les obligations ou les responsabilités d’un employeur (OIT 2020b; BIT 2020). Certains lieux, situations ou cas liés au travail, en particulier ceux qui sont facilement accessibles au public, dont les écoles, les hôpitaux, les services publics ou les marchés de rue, peuvent être des lieux où se déchaîne la violence domestique. De la même manière, la violence domestique représente un risque encore plus accru pour des modalités de travail particulières telles que le travail à domicile, ainsi que pour certaines catégories de travailleurs, dont les travailleurs domestiques, les travailleurs qui exercent leur activité à domicile ou les travailleurs collaborant à l’entreprise familiale, nombre d’entre eux étant des femmes qui travaillent de manière informelle (OIT 2021b).
Préambule
Notant que la violence domestique peut se répercuter sur l’emploi, la productivité ainsi que sur la santé et la sécurité, et que les gouvernements, les organisations d’employeurs et de travailleurs et les institutions du marché du travail peuvent con- tribuer, dans le cadre d’autres mesures, à faire reconnaître les répercussions de la violence domestique, à y répondre et à y remédier;
Article 10
Tout Membre doit prendre des mesures appropriées pour: […]
f) reconnaître les effets de la violence domestique et, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable, atténuer son impact dans le monde du travail;
Comme suite à ces dispositions de la convention, le paragraphe 18 de la recommandation n° 206 énonce une série de mesures qui pourraient être adoptées pour répondre à la violence domestique et en atténuer les répercussions, notamment:
un congé pour les victimes de violence domestique;
des modalités de travail flexibles et une protection pour les victimes de violence domestique;
une protection temporaire des victimes de violence domestique contre le licenciement, selon qu’il convient, sauf pour des motifs sans lien avec la violence domestique et ses conséquences;
la prise en compte de la violence domestique dans l’évaluation des risques sur le lieu de travail;
un système d’orientation vers les dispositifs publics visant à atténuer la violence domestique, lorsque ces dispositifs existent;
la sensibilisation aux effets de la violence domestique.
Encadré 3. Exemples de dispositions relatives au travail et à l’emploi reconnaissant les effets de la violence domestique dans le monde du travail et en atténuant l’impact
Ces dernières années, les pays ont de plus en plus pris en compte les effets de la violence domestique sur le bien-être et la productivité des travailleurs dans leurs dispositions relatives au travail et à l’emploi. Un nombre croissant de pays a introduit un congé, rémunéré ou non, pour les travailleurs victimes de violence domestique. D’autres pays ont inclus la violence domestique aux motifs de discrimination dans l’emploi et la profession et imposent aux employeurs de fournir des aménagements raisonnables. Certains ont envisagé d’obliger les employeurs à adopter des mesures de prévention visant à protéger le salarié ou d’autres travailleurs ou ont intégré la violence domestique dans le traitement de la SST. En outre, en vue de protéger des catégories de travailleurs spécifiques, par exemple les travailleurs domestiques, contre la violence et le harcèlement, certaines législations élargissent la définition de la «violence domestique» au-delà des relations familiales traditionnellement admises afin d’y inclure les personnes qui travaillent dans la sphère domestique.
Canada: l’article 8 (Recensement des facteurs de risque) du Règlement de 2020 sur la prévention du harcèlement et de la violence sur le lieu de travail dispose ce qui suit: «L’employeur, conjointement avec le partenaire concerné, recense les facteurs de risque, internes et externes au lieu de travail, qui contribuent au harcèlement et à la violence sur le lieu de travail, en tenant compte: […] b) des circonstances externes au lieu de travail, telles que la violence familiale, susceptibles de donner lieu à du harcèlement et à de la violence sur le lieu de travail» 8.
Ghana: la loi de 2020 sur la violence domestique interdit toutes les formes de violenceetdeharcèlementdansl’environnement du ménage. Les travailleurs domestiques sont inclus dans la définition de la relation domestique et sont donc protégés par la loi (Graphic Online 2020).
Kenya: la loi de 2015 sur la protection contre la violence domestique dispose que, en cas de violence domestique, la victime ou un représentant de la victime, dont les employeurs, peuvent saisir la Cour pour une ordonnance de protection (art. 2 et 8).
Le Pérou, en 2019, a adopté la loi sur la prévention, la répression et l’éradication de la violence à l’égard des femmes dans la sphère publique et privée, ainsi que de la violence contre les membres de la famille. L’article 11 dispose que, lorsque la victime est un employé, les droits suivants doivent être garantis:
la protection contre le licenciement pour des causes liées à des actes de violence de cette nature;
le changement de lieu de travail sans porter préjudice à ses conditions de travail et d’emploi;
cinq jours d’absence justifiée;
la suspension de la relation de travail;
le droit de retrouver le même poste ou un poste similaire.
États-Unis (État de New York): la loi sur le travail de l’État de New York inclut la violence domestique dans les motifs de discrimination dans l’emploi et la profession (art. 593) et impose aux employeurs d’apporter des aménagements raisonnables, à titre d’exemple: un lieu d’accueil en cas de violence domestique, des conseils psychologiques, la participation à la planification de la sécurité et des services juridiques, une aide concernant la poursuite de l’infraction ou la comparution au tribunal (art. 22 c)).
Nouvelle-Zélande: la loi de 2018 sur la violence domestique (protection des victimes) octroie aux salariés touchés par la violence domestique le droit de:
prendre au moins dix jours de congé rémunéré pour violence domestique;
demander des modalités de travail flexibles de courte durée (pendant deux mois maximum);
ne pas être traités de manière préjudiciable sur le lieu de travail parce qu’ils subiraient la violence domestique.
Encadré 4. Exemples de conventions collectives et d’autres mesures luttant contre la violence domestique dans le monde du travail
Les partenaires sociaux sont également très actifs. Dans plusieurs pays, des conventions collectives ont été adoptées et d’autres mesures ont été prises en lien avec la violence domestique, y compris concernant la formation, des modalités de travail flexibles, un congé rémunéré et des services d’appui.
Argentine: Farmacity a mis au point un protocole d’action dans les situations de violence domestique et de violence au travail qui prévoit des campagnes de communication internes et une formation à la prévention, y compris pour le personnel occupant des postes de décision, ainsi que des orientations sur la façon de repérer ces cas, d’approcher les victimes et de les aider (Tercer Sector2018).
Australie: de nombreux accords d’entreprise contiennent des dispositions prévoyant un congé rémunéré pour violence familiale qui permet aux travailleurs: de demander à travailler à temps partiel; de modifier leurs modalités de travail; de changer temporairement leur lieu de travail; de changer leurs coordonnées professionnelles, par exemple leur numéro de téléphone et leur courriel; et de travailler temporairement depuis chez eux ou un autre endroit du fait de la violence familiale 9.
Brésil: la convention collective signée en 2020 pour le secteur bancaire établit l’obligation faite aux employeurs: de transmettre aux salariés un communiqué interne sur la prévention de la violence domestique et familiale; d’établir une voie de soutien aux victimes de cette violence et d’autres mesures d’aide, dont le transfert de la victime de violence dans un autre lieu de travail; de garantir la confidentialité; et d’établir une ligne de crédit ou un financement spécial pour ces victimes (Sindicato dos Bancarios 2020).
Honduras: en 2020, l’Asociación Hondureña de Maquiladoras a lancé une campagnevisant à aider ses membres à combattre la violence domestique au travail. Cette campagne s’est déroulée sous la forme de séminaires virtuels, de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un programme de formation à l’intention des membres de l’association, et de la création de matériels de communication, dont une page Web contenant des informations générales et des ressources utiles (Asociación Hondureña de Maquiladores 2020).
Espagne: la convention collective pour l’entreprise d’énergie Endesa prévoit des horaires de travail revus et flexibles, des services sociaux, une assistance juridique, des ordonnances de protection et des services de conseil pour les victimes de violence domestique (Espagne 2020; CES 2017).
5 À ce propos, il convient de dire que, dans le cadre de la convention (n° 111) de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, la CEACR a déjà souligné que l’absence d’intention ou l’existence d’une intention ne devait pas être pertinente s’agissant des questions de harcèlement; voir BIT 2012.
6 Au cours du processus normatif, il était clair que l’expression «violence fondée sur le genre» incluait l’environnement de travail hostile et le harcèlement sexuel (quid pro quo). Toutefois, à des fins de cohérence avec le concept de violence et de harcèlement en tant qu’ensemble, et à la lumière de la vague de protestations et des débats publics récents liés à la campagne #MeToo qui ont mis en lumière l’ampleur du harcèlement sexuel, y compris au travail, il a été décidé d’ajouter une mention claire du harcèlement sexuel, tout en sachant que la violence fondée sur le genre comprend le harcèlement sexuel.
7 Voir Carlson et Olney, à paraître.
8 Nombre de provinces ou de territoires canadiens vont dans la même direction. Voir, par exemple, au Yukon, où l’article 19.05 du Règlement de 2020 modifiant le règlement sur la santé et la sécurité au travail dispose que, «si un employeur se rend compte, ou devrait raisonnablement se rendre compte, qu’un travailleur est exposé à la violence familiale sur le lieu de travail, ou risque de l’être, il doit prendre des mesures appropriées pour protéger le travailleur et toute autre personne sur le lieu de travail susceptible d’être affectée».
9 À titre d’exemple, voir l’accord d’entreprise de 2019 des journalistes de l’Australian Jewish News (Australie 2019). Depuis août 2018, les dispositions relatives à la violence familiale et domestique figurent dans les 122 décisions modernes australiennes (modern awards), avec une clause type relative à l’inclusion (Australie 2018).
2.2. Qui est protégé?
La convention n° 190 repose sur le fait qu’il est entendu que nul ne devrait être soumis à la violence et au harcèlement dans le monde du travail (OIT 2018b).
Article 2
La présente convention protège les travailleurs et autres personnes dans le monde du travail, y compris les salariés tels que définis par la législation et la pratique nationales, ainsi que les personnes qui travaillent, quel que soit leur statut contractuel, les personnes en formation, y compris les stagiaires et les apprentis, les travailleurs licenciés, les personnes bénévoles, les personnes à la recherche d’un emploi, les candidats à un emploi et les individus exerçant l’autorité, les fonctions ou les responsabilités d’un employeur.
La présente convention s’applique à tous les secteurs, public ou privé, dans l’économie formelle ou informelle, en zone urbaine ou rurale.
Pour cette raison, son champ de protection est large et va plus loin que les employés (art. 2). Il garantit la protection à tous les «travailleurs» quel que soit leur statut contractuel, dans l’économie formelle ou informelle, dans le secteur public ou privé (OIT 2019b; 2018b) 10. En outre, la référence aux «autres personnes dans le monde du travail» élargit le soutien pour couvrir les personnes en formation, y compris les stagiaires et les apprentis, les personnes à la recherche d’un emploi, les personnes bénévoles et les personnes licenciées, ainsi que les «individus exerçant l’autorité, les fonctions ou les responsabilités d’un employeur» (OIT 2018b; 2019b). Il est important de rappeler que ce large champ d’application de la protection est conforme à la dernière définition statistique du «travail», telle qu’adoptée par la Conférence internationale des statisticiens du travail (CIST). Cette définition couvre tous les emplois et activités dans toutes les formes de travail 11.
Encadré 5. Étendre la protection au-delà des salariés
Les réformes récentes de la législation du travail semblent aller dans cette direction et étendre la protection contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail à divers individus, quel que soit leur statut contractuel.
Canada: le Règlement de 2020 sur les normes relatives aux activités d’apprentissage en milieu de travail précise que les protections des normes du travail concernant le harcèlement et la violence sont applicables aux stages d’étudiants non rémunérés dans le secteur privé sous réglementation fédérale.
Gabon: la loi de 2016 portant sur la lutte contre le harcèlement professionnel étend la protection contre le harcèlement, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel à tous les salariés, agents publics et stagiaires (art. 3).
Le Japon interdit le harcèlement à l’égard des subordonnés, mais également des supérieurs. Le harcèlement hiérarchique peut être exercé entre collègues ainsi qu’entre travailleurs ayant des statuts contractuels différents, par exemple des salariéspermanentsetdestravailleurscontractuels(loi de 2020 sur la prévention du harcèlement hiérarchique) (Bibliothèque du Congrès 2020).
Les Philippines interdisent le harcèlement sexuel au travail entre pairs, à l’endroit d’un supérieur et contre les employés sous contrat de sous-traitance (loi de 2018 sur les espaces sûrs).
Irlande: le Code de pratique sur le harcèlement au travail précise que le harcèlement au travail peut concerner des personnesdans différentes situations de travail et à tous les niveaux:
un responsable/superviseur à l’égard d’un salarié;
un salarié à l’égard d’un superviseur/responsable;
un salarié à l’égard d’un autre salarié (ou un groupe à l’égard d’un autre groupe);
un client/superviseur/responsable à l’égard d’un contact professionnel;
un client/usager à l’égard d’un salarié.
Lettonie: d’après la loi sur l’aide aux chômeurs et aux demandeurs d’emploi telle qu’adoptée le 9 mai 2002 (dernière modification le 16 avril 2020), les personnes sans emploi, les personnes qui cherchent un emploi et les personnes exposées au risque de chômage sont protégées contre la discrimination due à leur sexe, à leur race ou à leur origine ethnique, ainsi que contre une conduite non désirée à leurs yeux (y compris une conduite de nature sexuelle) qui a pour but ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. D’après les dernières modifications apportées le 16 avril 2020, les propriétaires de microentités et les personnesindépendantes sans revenu sont couverts par la loi jusqu’à fin 2020.
États-Unis (État de New York): en 2018, l’État de New York a étendu sa protection contre le harcèlement sexuel afin de couvrir les entrepreneurs indépendants, les sous-traitants, les consultants et chacun de leurs salariés, toute autre personne fournissant des services aux termes d’un contrat sur le lieu de travail, par exemple la réparation de matériel et le nettoyage, et les personnes “non salariées”, par exemple les travailleurs des plateformes, les temporaires ou les stagiaires (rémunérés ou non rémunérés) (Zweig 2020).
Soudan du Sud: l’article 7 de la loi de 2017 sur le travail dispose que «nul ne peut harceler sexuellement un employé ou un employeur».
Ce large champ de protection est à l’origine de l’«approche inclusive» imposée par la convention n° 190. Compte tenu de la diversité des personnes protégées par la convention, une solution passe-partout n’aurait pu apporter de protection efficace à tout le monde, car les mesures doivent reconnaître et prendre en compte les particularités et vulnérabilités de chaque individu ou groupe, les différents secteurs ou professions où ils opèrent, ainsi que les modalités de travail par lesquelles ils effectuent le travail ou bénéficient du travail, y compris la possible interaction avec des tiers, le cas échéant.
2.2.1. Garantir l’inclusion par l’accessibilité
En vue d’apporter une protection efficace contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail, en particulier aux personnes ou aux groupes en situation vulnérable, la convention n° 190 met fortement l’accent sur le fait de garantir l’accessibilité. La promotion d’une culture du lieu de travail inclusive, y compris par des aménagements raisonnables, est essentielle pour garantir l’égalité de chances et de traitement, pour protéger contre la discrimination, ainsi que pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement. D’après la convention n° 190 et la recommandation n° 206, l’accessibilité est un élément fondamental pour faciliter la prévention, l’application de la loi et les moyens de recours et de réparation, ainsi que la sensibilisation. Les différents besoins des personnes handicapées, des personnes appartenant à des minorités ethniques et des travailleurs migrants, entre autres personnes, devraient être pris en compte. À ce propos, la convention n° 190 impose que les outils, les orientations, l’éducation et la formation soient fournis sous des formes accessibles, ce qui est indispensable pour une sensibilisation à grande échelle et inclusive (art. 4(2) g) et 11 b)). Les informations et la formation sur les dangers et les risques de violence et de harcèlement, ainsi que sur les mesures de prévention et de protection correspondantes, doivent également être fournies sous des formes accessibles (art. 9 d)). S’agissant de l’application de la loi, la convention impose aux Membres de garantir un accès aisé à des mécanismes de signalement et de règlement des différends et à des moyens de recours et de réparation (art. 10 b)). Cela comprend le fait de garantir que les procédures sont accessibles à tous les travailleurs et autres personnes concernées sur la base de l’égalité.
Encadré 6. Garantir l’accessibilité dans la prévention de la violence et du harcèlement dans le monde du travail et la lutte contre ce phénomène: exemples choisis concernant les personnes handicapées
Union européenne: dans l’Union de l’égalité: Stratégie en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030, l’accent est mis sur l’amélioration de l’accès à la justice, la protection juridique, la liberté et la sécurité des personnes handicapées par la numérisation des systèmes judiciaires et l’accroissement de l’accessibilité des environnements numériques et des communications. Cela inclut le renforcement de l’accessibilité du droit et des politiques de l’Union européenne (UE), ainsi que la formation du personnel et le soutien à l’apprentissage de l’interprétation en langue des signes internationale 12. Le plan d’action sur l’accessibilité du Web vise à garantir que les sites Web de l’UE, les documents qui y sont publiés et les plateformes en ligne appliquent les normes européennes en matière d’accessibilité (Commission européenne 2021).
Inde: la loisurlesdroitsdespersonneshandicapées(loin°49de2016)impose au gouvernement de prendre des mesures appropriées pour prévenir toutes les formes d’abus, de violence et d’exploitation à l’égard des personnes handicapées et pour protéger ces personnes contre ces actes.
Irlande: le décretde2012surleharcèlementcontient des règles relatives à l’accès pour les personnes handicapées et pour les personnes qui ne parlent pas l’anglais. Il prévoit expressément que le contenu, la forme et la mise en œuvre des politiques et des procédures doivent être accessibles à tous, au moyen d’ajustements et de mesures visant à garantir l’accessibilité, en particulier pour les personnes handicapées. À titre d’exemple: la traduction des politiques et des procédures en braille ou en gros caractères, ou la mise à disposition de personnes sachant signer. Ce décret dispose également que certaines mesures peuvent s’avérer nécessaires pour garantir l’accessibilité des politiques et des procédures, par exemple la traductiondespolitiquesetdesprocéduresdansd’autres langues que l’anglais, selon que de besoin, ou la mise à disposition d’interprètes.
République de Corée: la loi sur la promotion de l’emploi et la réadaptation professionnelle des personnes handicapées a été modifiée en 2018 de manière à prévoir une formation annuelle visant à sensibiliser les salariés aux personnes handicapées pour éliminer les préjugés sur le lieu de travail, à instaurer des conditions de travail stables et à développer l’emploi des personnes handicapées.
10 À la lumière de l’évolution du monde du travail, cette formulation large permet d’inclure les travailleurs sous contrat zéro heure et dans d’autres formes atypiques d’emploi, ceux qui travaillent en ligne dans des lieux de travail virtuels ou par l’intermédiaire de plateformes, et les travailleurs à domicile indépendants.
11 En 2013, la 19e CIST a adopté la résolution I «concernant les statistiques du travail, de l’emploi et de la sous-utilisation de la main-d’œuvre» qui introduit une «définition conceptuellement révolutionnaire» du travail établissant clairement que le travail peut être réalisé dans tout type d’unité économique, y compris les ménages et les communautés, et qu’il peut également inclure des services qui ne sont pas fournis dans le contexte des transactions marchandes. Cette définition inclut, mais dépasse également, le travail en échange d’une rémunération ou à but lucratif et comprend «toutes les activités effectuées par des personnes de tout sexe et tout âge afin de produire des biens ou fournir des services destinés à la consommation par des tiers ou à leur consommation personnelle». En 2018, la 20e CIST a fait un pas supplémentaire dans sa résolution I en y inscrivant une nouvelle Classification internationale des statuts au regard du travail (CISaT-18) qui couvre tous les emplois et activités dans toutes les formes de travail, y compris la fourniture de services pour la consommation du ménage. Voir OIT 2018c.
12 Voir la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.
2.3. Quand et où s’exercent la violence et le harcèlement?
La convention n° 190 et la recommandation n° 206 répondent à la réalité qui veut qu’il n’est pas nécessaire que les actes de violence et de harcèlement s’exercent exclusivement sur un lieu de travail physique traditionnel pour qu’ils soient compris comme étant des comportements liés au travail interdits. Le travail étant exécuté dans plusieurs contextes et selon des modalités différentes, y compris par l’intermédiaire des technologies, ces instruments visent à garantir la protection en tous lieux ou toutes circonstances liés au travail.
Article 3
La présente convention s’applique à la violence et au harcèlement dans le monde du travail s’exerçant à l’occasion, en lien avec ou du fait du travail:
sur le lieu de travail, y compris les espaces publics et les espaces privés lorsqu’ils servent de lieu de travail;
sur les lieux où le travailleur est payé, prend ses pauses ou ses repas ou utilise des installations sanitaires, des salles d’eau ou des vestiaires;
à l’occasion de déplacements, de voyages, de formations, d’événements ou d’activités sociales liés au travail;
dans le cadre de communications liées au travail, y compris celles effectuées au moyen de technologies de l’information et de la communication;
dans le logement fourni par l’employeur;
pendant les trajets entre le domicile et le lieu de travail.
En s’appliquant à la violence et au harcèlement «s’exerçant à l’occasion, en lien avec ou du fait du travail», la convention n° 190 saisit la nature évolutive du travail, y compris les nouveaux types et les différentes modalités de travail (OIT 2018b, en particulier les paragraphes 180 à 184). La mention des «espaces publics et [d]es espaces privés lorsqu’ils servent de lieu de travail» à l’article 3 vise à couvrir la situation des personnes dans l’économie informelle, par exemple les vendeurs ambulants; les travailleurs domestiques, qui travaillent dans ou pour un ménage ou des ménages privé(s); ou les travailleurs à domicile, qui travaillent depuis chez eux (OIT 2018a; BIT 2016b). Avec la mention expresse des «communications liées au travail, y compris celles effectuées au moyen de technologies de l’information et de la communication», tous les types de communication, y compris les courriels et les médias sociaux, sont couverts (De Stefano et al. 2020). Cela est particulièrement important à la lumière des modalités de télétravail qui se multiplient ces dernières années, notamment en tant que moyen d’apporter une plus grande flexibilité pour assumer les responsabilités professionnelles et familiales.
D’autres normes de l’OIT – en particulier celles liées à la SST – contiennent également une notion du «lieu de travail» plus large que celle du lieu de travail physique traditionnel. Aux termes de la convention (n° 155) de l’OIT sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, l’expression «lieu de travail» vise tous les endroits où les travailleurs doivent se trouver ou se rendre du fait de leur travail et qui sont placés sous le contrôle direct ou indirect de l’employeur (art. 3 c)). Le protocole de 2002 relatif à la convention sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, prévoit la publication d’informations sur les mesures prises concernant les accidents du travail, les cas de maladies professionnelles et les autres atteintes à la santé survenant «au cours du travail ou ayant un rapport avec celui-ci» (préambule e)). Dans la partie du protocole consacrée aux définitions, l’expression «événement dangereux» vise tout événement facilement identifiable selon la définition qu’en donne la législation nationale, qui pourrait être cause de lésions corporelles ou d’atteintes à la santé chez les personnes au travail ou dans le public (art. 1 c)).
L’expression «accident de trajet» vise tout accident ayant entraîné la mort ou des lésions corporelles survenu sur le trajet direct entre le lieu de travail et: i) le lieu de résidence principale ou secondaire du travailleur; ou ii) le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas; ou iii) le lieu où le travailleur reçoit habituellement son salaire (art. 1 d)). La recommandation (n° 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, dispose également que les employeurs devraient être tenus d’enregistrer les données relatives à la SST et au milieu de travail, y compris les données concernant tous les accidents du travail et tous les cas d’atteintes à la santé survenant «au cours du travail ou ayant un rapport avec celui-ci» et donnant lieu à déclaration (paragr. 15(2)) (OIT 2020c).
Encadré 7. Protection contre la violence et le harcèlement au-delà du lieu de travail physique traditionnel: exemples des législations récentes
Des réformes législatives récentes ont commencé à énoncer des lieuxou cas différents dans lesquels la violence et le harcèlement dans le monde du travail peuvent s’exercer au-delà du lieu de travail physique traditionnel. Entre autres phénomènes, la violence et le harcèlement en ligne bénéficient d’une attention accrue en tant que notion isolée ou autonome, ou en tant que moyen servant à perpétrer violence et harcèlement.
Australie: en janvier 2021, Safe Work Australia a publié des documents d’orientation sur le harcèlement sexuel, la violence sur le lieu de travail et les agressions afin d’aider les employeurs à faire en sorte que le lieu de travail soit exempt de harcèlement sexuel, de violence et d’agression (Australie 2021a; 2021b). Ce guide dispose que, en vertu des lois relatives à la SST, un lieu de travail est un lieu dans lequel est effectué un travail pour une entreprise ou un établissement, ce qui comprend tout lieu où un travailleur se rend ou est susceptible de se trouver pendant son travail. Dans le guide sur le harcèlement sexuel (Australie 2021a), il est également dit que le harcèlement sexuel peut s’exercer:
sur le lieu de travail habituel du travailleur;
quand un travailleur travaille à distance, y compris si le lieu de travail de la personne est son domicile;
dans un lieu où le travailleur effectue son travail (endroit différent de l’endroit habituel), par exemple au domicile d’un client ou au domicile ou au travail d’un sous-traitant;
là où le travailleur effectue des activités liées au travail telles que des conférences, formations, déplacements professionnels, événements d’entreprise liés au travail ou activité sociale telle qu’une fête de Noël;
par téléphone, courriel ou en ligne, par exemple via des plateformes de médias sociaux.
Canada (Ontario): en janvier 2021, la Cour supérieure de justice de l’Ontario (dans Caplan v. Atas) a reconnu un nouveau délit de harcèlement sur Internet. Cela s’est avéré nécessaire car les autres lois existantes ne suffisaient pas pour traiter le harcèlement grave et l’intention de susciter la peur, l’angoisse et la souffrance chez les victimes ciblées et les personnes que celles-ci chérissent.
Philippines: la loi de 2018 sur les espaces sûrs définit le «harcèlement sexuel en ligne fondé sur le genre» comme toute conduite ciblant une personne en particulier qui cause ou est susceptible de causer à autrui une souffrance mentale, affective ou psychologique, et la crainte pour sa sécurité personnelle, les actes de harcèlement sexuel, y compris les remarques et commentaires sexuels non désirés, les menaces, le téléversement ou le partage de photos d’une personne sans le consentement de celle-ci, les enregistrements vidéo ou audio, le cyberharcèlement et l’usurpation d’identité en ligne (art. 3).
Singapour a approuvé des dispositions spéciales contre le harcèlement et le harcèlement en ligne dans le cadre de la loi de 2014 sur la protection contre le harcèlement. Les dispositions relatives au harcèlement en ligne interdisent la publication intentionnelle ou irréfléchie d’une communication menaçante, abusive ou insultante, qui est entendue, vue ou autrement perçue et qui est susceptible de harceler, d’inquiéter ou d’angoisser autrui, d’instiller la peur chez autrui ou de provoquer la violence. Une modification apportée en 2019 interdit de publier des informations identifiant la victime ou une personne liée à la victime dans le but de harceler ou de menacer la victime ou de permettre la violence à l’endroit de celle-ci («doxing»).
2.4. Une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre
Compte tenu de la large portée personnelle de la protection – qui inclut les personnes qui ne seraient pas couvertes par les dispositions de la législation du travail – et dans le but de garantir une protection efficace contre toutes les formes de violence et de harcèlement qui s’exercent «à l’occasion, en lien avec ou du fait du travail», la convention n° 190 impose aux pays qui l’ont ratifiée d’adopter, «en consultation avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre» en vue de prévenir et d’éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail (art. 4(2)) (voir figure 3):
Inclusive: renvoie à la large portée personnelle de la protection, ainsi qu’à la nécessité de garantir des consultations pour mieux saisir l’ensemble des différents besoins et réalités.
Tenant compte des considérations de genre: impliquelanécessitédecombattrelescausesprofondes de la violence et du harcèlement fondés sur le genre ainsi que d’en réduire les effets préjudiciables.
Intégrée: renvoie à la nécessité de combattre ce phénomène «dans la législation relative à la sécurité et à la santé au travail, à l’égalité et à la non-discrimination, et dans le droit pénal, le cas échéant» (recommandation n° 206, paragr. 2).
Ces dernières décennies, le droit pénal a longtemps servi de rempart contre la commission d’actes de violence et de harcèlement, en particulier de violence et de harcèlement physiques et économiques, notamment dans le monde du travail (Chappell et Di Martino 2006; BIT 2016a; BIT 2017; Lippel 2016).
Toutefois, sur la base du concept de violence et de harcèlement dans le monde du travail énoncé dans la convention n° 190 et la recommandation n° 206, le droit pénal à lui seul peut s’avérer insuffisant. Il incrimine la conduite jugée comme ayant dépassé un certain seuil de gravité, dont les agressions physiques (y compris sexuelles) ou les «actes immoraux» ou les menaces. Toutefois, cela pourrait ne pas suffire à couvrir le large éventail de comportements et de pratiques inacceptables qui constituent la violence et le harcèlement dans le monde du travail au regard de la convention n° 190 13. En outre, le droit pénal met l’accent sur la sanction des auteurs et non sur la fourniture de moyens de recours et de réparation efficaces aux victimes.
Avant l’adoption de la convention n° 190 et de la recommandation n° 206, plusieurs instruments nationaux ou branches du droit servaient de base réglementaire à la lutte contre la violence et le harcèlement au travail, notamment le droit constitutionnel, le droit relatif à l’égalité et à la non-discrimination, et les réglementations relatives à la SST.
En prévoyant un cadre réglementaire global au lieu d’imposer une seule façon de procéder, la convention n° 190 et la recommandation n° 206 reconnaissent que ces cadres peuvent être façonnés selon les situations et systèmes juridiques nationaux (convention n° 190, art. 4(2); recommandation n° 206, paragr. 2). Toutes les situations ne seront pas nécessairement couvertes par toutes les lois et réglementations, mais il est important de voir s’il existe des lacunes lors de l’examen commun des lois et réglementations.
L’approche «intégrée» renvoie également à la nécessité de disposer de mesures sur: la prévention et la protection (convention n° 190, art. 7 à 9; recommandation n° 206, paragr. 6 à 13); l’application et les moyens de recours et de réparation (convention n° 190, art. 10; recommandation n° 206, paragr. 14 à 22); et les orientations, la formation et la sensibilisation (convention n° 190, art. 11; recommandation n° 206, paragr. 23). Chacun de ces éléments est essentiel. La prévention et la gestion des dangers et des risques n’aboutiront pas sans formation ni sensibilisation. De la même manière, des mécanismes de contrôle de l’application inefficaces et inopérants ne contribueront pas à inciter à renoncer à la violence et au harcèlement ni à prévenir de futurs cas de violence et de harcèlement.
Les éléments fondamentaux de cette approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre sont énumérés à l’article 4, puis développés dans le dispositif de l’instrument. L’article 4(3) dispose également que, lorsqu’il adopte et met en œuvre une telle approche, le pays qui a ratifié la convention doit reconnaître les fonctions et rôles différents et complémentaires des gouvernements, et des employeurs et travailleurs et de leurs organisations respectives, en tenant compte de la nature et de l’étendue variables de leurs responsabilités respectives.
Article 4
Tout Membre qui ratifie la présente convention doit respecter, promouvoir et réaliser le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement.
Tout Membre doit adopter, conformément à la législation et à la situation nationales et en consultation avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre, qui vise à prévenir et à éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Cette approche devrait prendre en compte la violence et le harcèlement impliquant des tiers, le cas échéant, et consiste notamment à:
interdire en droit la violence et le harcèlement;
garantir que des politiques pertinentes traitent de la violence et du harcèlement;
adopter une stratégie globale afin de mettre en œuvre des mesures pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement;
établir des mécanismes de contrôle de l’application et de suivi ou renforcer les mécanismes existants;
garantir l’accès à des moyens de recours et de réparation ainsi qu’à un soutien pour les victimes;
prévoir des sanctions;
élaborer des outils, des orientations et des activités d’éducation et de formation et sensibiliser, sous des formes accessibles selon le cas;
garantir l’existence de moyens d’inspection et d’enquête efficaces pour les cas de violence et de harcèlement, y compris par le biais de l’inspection du travail ou d’autres organismes compétents.
Lorsqu’il adopte et met en œuvre l’approche visée au paragraphe 2 du présent article, tout Membre doit reconnaître les fonctions et rôles différents et complémentaires des gouvernements, et des employeurs et travailleurs et de leurs organisations respectives, en tenant compte de la nature et de l’étendue variables de leurs responsabilités respectives.
Figure 3. Approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre
13 À ce propos, bien que dans le contexte de la convention n° 111, la CEACR a souligné que les poursuites pénales ne suffisent pas en cas de harcèlement sexuel au travail, en raison du «caractère sensible de cette question, de la charge de la preuve qui est difficile à apporter, notamment s’il n’y a pas de témoin (ce qui est souvent le cas) et du fait que le droit pénal met généralement l’accent sur l’agression sexuelle ou les “actes immoraux”, et non sur l’ensemble des comportements constituant le harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession» (voir BIT 2012).
3.1. Le droit à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement
La convention n° 190 est le premier instrument international qui reconnaît expressément le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement (art. 4). La convention n° 190 et la recommandation n° 206 apportent un complément indispensable à d’autres instruments internationaux tels que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi qu’aux normes internationales du travail relatives à l’égalité et à la non-discrimination, et à la SST, qui prévoient également la protection contre la violence et le harcèlement, mais de manière implicite 14.
Encadré 8. Le droit à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement dans le droit du travail et les dispositions des conventions collectives
Ces dernières années, un nombre croissant de pays ont davantage mis l’accent sur le droit d’être à l’abri de la violence et du harcèlement dans leur législation relative au travail.
Andorre: l’article 44(2) (droits de la personne salariée) du Code du travail de 2018 énonce ce qui suit:
Dans l’exécution du contrat de travail, la personne salariée: […]
e) a le droit de ne pas subir de discrimination directe ou indirecte au moment de son recrutement, ou une fois recrutée, qui soit fondée sur sa naissance, sa race, son sexe, son orientation sexuelle, son origine, sa religion, son handicap, son opinion ou toute autre situation personnelle ou sociale, ou son affiliation, ou pas, à un syndicat ou à une organisation politique; […]
g) a droit au respect de sa vie privée et à la considération due à sa dignité, y compris la protection contre le harcèlement pour les raisons énoncées à l’alinéa e) ci-dessus.
Roumanie: le Code du travail, tel que modifié en 2020, énonce le droit de tout salarié à un emploi exempt d’actes de harcèlement moral (art. 5.3).
Iraq: aux termes de l’article 42 de la loi de 2015 sur le travail:
Le travailleur a les droits suivants: […]
bénéficier de l’égalité de chances et être recruté et travailler dans des conditions égales, sans aucune discrimination;
bénéficier d’un environnement de travail exempt de tout harcèlement.
Italie: la nouvelle convention collective pour le secteur maritime, signée le 16 décembre 2020, reconnaît le droit de tout marin «de travailler, de se former et de vivre dans un environnement exempt de harcèlement et d’intimidation motivé par le sexe, la race et tout autre motif» (Confitarma et al. 2020).
Sénégal: la convention collective nationale interprofessionnelle signée le 30 décembre 2019 ne mentionne pas expressément la convention n° 190. Toutefois, ses principaux éléments, dont le droit à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement et la nécessité d’une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre, y figurent.
14 S’agissant de l’article 7 b) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels n’a de cesse de souligner que des facteurs tels que le fait de travailler à l’abri de la violence et du harcèlement, y compris du harcèlement sexuel, sont essentiels pour garantir le droit à des conditions de travail justes et favorables. Voir également Chappell et Di Martino 2006; Lippel 2016.
3.2. Le rôle des principes et droits fondamentaux au travail dans la construction d’un monde du travail exempt de violence et de harcèlement
La convention n° 190 et la recommandation n° 206 reconnaissent que le droit d’être à l’abri de la violence et du harcèlement dans le monde du travail est indissociable de tous les principes et droits fondamentaux au travail, auxquels il est étroitement lié, et plus largement du travail décent. La violence et le harcèlement sont souvent la cause et la conséquence des déficits de travail décent, et vice versa, comme la recherche l’a montré (BIT 2016b; de Bruijn 2020; Cassino et Besen-Cassino 2019). Après avoir reconnu dans son préambule que la violence et le harcèlement dans le monde du travail sont incompatibles avec le travail décent, la convention n° 190 invite les États à respecter, à promouvoir et à réaliser les principes et droits fondamentaux au travail, ainsi qu’à promouvoir le travail décent, en vue de prévenir et d’éliminer la violence et le harcèlement (art. 5).
La liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective sont des moyens essentiels pour prévenir et combattre les situations de violence et de harcèlement au travail. À l’inverse, le refus de ces droits est un facteur important de l’aggravation du risque de subir violence et harcèlement (BIT 2017) 15. Sur ce point, la recommandation n° 206 recommande que ces droits fondamentaux soient garantis à «tous les travailleurs et tous les employeurs, y compris ceux dans les secteurs d’activité, professions et modalités de travail davantage exposés à la violence et au harcèlement» (paragr. 3).
Encadré 9. Étendre le champ d’application de la liberté syndicale et du droit de négociation collective en tant que voie à suivre pour une protection efficace contre la violence et le harcèlement
Ces dernières années, des initiatives ont été prises à différents niveaux pour étendre ces droits fondamentaux à tous les travailleurs, quel que soit leur secteur d’activité ou leur nationalité (OIE 2019; Jesnes, Ilsøe et Hotvedt 2019). Il s’agit de mesures importantes, car elles ouvrent la voie à une protection plus efficace, y compris contre la violence et le harcèlement, par la voie de conventions collectives.
France: l’article 60 de la loi du 8 août 2016 a instauré une catégorie distincte de travailleurs indépendants recourant à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique. Ladite loi octroie à ces travailleurs le droit de constituer une organisation syndicale, d’y adhérer et de faire valoir leurs intérêts collectifs par son intermédiaire.
Samoa: l’article 3 de la loi de 2013 sur le travail et les relations professionnelles dispose ce qui suit: «La présente loi s’applique à: a) tout organisme public au regard de la loi de 2001 sur les organismes publics (résultats et responsabilité), qu’il figure ou non dans une loi; et b) toute entité commerciale privée ou non gouvernementale, y compris, sans s’y limiter, les entreprises liées au secteur agricole et aux pêcheries». Les articles 21 et 22 reconnaissent respectivement le droit de négociation collective et le droit à la liberté syndicale.
Initiatives des partenaires sociaux
Canada: l’organisation de travailleurs Justice for Foodora Couriers a été organisée par un groupe de livreurs à vélo de Foodora au Canada en vue d’améliorer les conditions de travail de leurs camarades livreurs de repas à vélo. Elle fait essentiellement campagne en faveur d’une rémunération juste pour un travail dangereux, d’un congé de maladie rémunéré et d’un lieu de travail respectueux, exempt de harcèlement et d’intimidation. Elle se prépare à s’affilier au Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes et, une fois que ce syndicat aura été certifié comme étant leur agent de négociation, Foodora sera légalement tenue de négocier avec ces livreurs en tant que groupe unique. Ceux-ci ont également commencé à nouer des relations à l’échelle internationale avec d’autres livreurs qui travaillent pour Foodora et d’autres plateformes, dans le but d’améliorer les conditions de travail des livreurs du monde entier (Eurofound 2021).
Italie: en 2018, à Bologne, comme suite aux négociations entre Riders Union Bologna, les syndicats italiens CGIL, CISL et UIL, la municipalité de Bologne et les plateformes Mymenu et Sgnam (puis Domino’s Pizza), la Charte des droits fondamentaux du travail numérique en milieu urbain a été signée. Cette charte se compose de quatre chapitres qui couvrent des dispositions générales, dont le droit de ne pas subir de discrimination, le droit d’être informé, le droit à la protection (dont le droit à un salaire juste, à la santé et à la sécurité, à la protection des données personnelles) et le droit à la déconnexion. Elle n’est pas contraignante et seuls ses signataires (volontaires) sont tenus de la respecter (municipalité de Bologne 2018).
Malawi: le Congrès des syndicats du Malawi s’emploie à établir des syndicats dans l’économie informelle. Le gouvernement du Malawi enregistre ces syndicats compte tenu du droit syndical et du droit de négociation collective (BIT 2019).
Le respect, la promotion et la réalisation du droit de chacun à un monde exempt de violence et de harcèlement ne peuvent être atteints que si le travail forcé ou obligatoire et le travail des enfants, y compris ses pires formes, qui sont intrinsèquement liés à la violence, sont éliminés. Ces dernières années, des jalons historiques ont été posés à ce sujet. En 2021, le protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930, a atteint 50 ratifications. Il engage les gouvernements à prendre des mesures efficaces pour prévenir le travail forcé, protéger les victimes de travail forcé et garantir l’accès de celles-ci à la justice et aux moyens de recours et de réparation. En 2020, la convention (n° 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999, est parvenue à la ratification universelle, ce qui confirme l’engagement mondial selon lequel les pires formes de travail des enfants, dont l’esclavage, l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et l’utilisation d’enfants dans des conflits armés ou d’autres travaux illicites ou dangereux qui compromettent la santé, la moralité ou le bien-être psychologique des enfants, n’ont pas de place dans notre société. Si la ratification en soi n’est pas suffisante et si la mise en œuvre est indispensable pour améliorer réellement la vie des personnes, ces réalisations inédites sont positives, marquent des avancées attendues depuis longtemps et représentent un pas vers la création d’un monde du travail exempt de violence et de harcèlement.
Le principe de l’égalité et de la non-discrimination est intrinsèquement lié à la violence et au harcèlement (BIT 2012; 2017; OIT CEACR 2019). Cela est évident non seulement du fait que la violence et le harcèlement fondés sur des motifs interdits doivent être considérés comme de la discrimination, mais également du fait que les lois et les pratiques discriminatoires peuvent contribuer à perpétuer des normes sociales préjudiciables ou des stéréotypes liés au genre susceptibles de conduire à la violence et au harcèlement (OIT 2019f). La recommandation n° 206 rappelle aux pays qui ont ratifié la convention que les efforts déployés pour protéger les femmes et d’autres groupes contre le risque élevé de violence et de harcèlement ne devraient pas avoir pour effet des formes de discrimination directe ou indirecte, notamment «de restreindre ni d’exclure l’activité des femmes et des groupes visés à l’article 6 de la convention dans des emplois, secteurs ou professions déterminés» (paragr. 12). Les recherches récentes montrent que la réforme des lois discriminatoires qui limitent la capacité des femmes à travailler, à administrer des biens ou à hériter de biens, par exemple, contribue à réduire la violence (Htun et Jensenius 2020). Une autre étude sur les cas de harcèlement sexuel des vingt dernières années montre que l’écart entre hommes et femmes sur le marché du travail se comble et que le harcèlement sexuel recule (Cassino et Besen-Cassino 2019) 16.
3.2.1. Garantir l’égalité et la non-discrimination pour les femmes et les groupes en situation vulnérable
La promotion de l’égalité au travail et la lutte contre la discrimination croisée et multiple sont des éléments clés de toute approche visant à prévenir et à faire cesser la violence et le harcèlement 17. À ce propos, l’article 6 de la convention n° 190 impose aux Membres «[d’]adopter une législation et des politiques garantissant le droit à l’égalité et à la non-discrimination dans l’emploi et la profession, notamment aux travailleuses, ainsi qu’aux travailleurs et autres personnes appartenant à un ou plusieurs groupes vulnérables ou groupes en situation de vulnérabilité qui sont touchés de manière disproportionnée par la violence et le harcèlement dans le monde du travail». La recherche montre que les caractéristiques personnelles telles que la race ou l’appartenance ethnique, le handicap, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, le statut VIH/sida ou les responsabilités familiales peuvent exposer davantage les individus ou les groupes au risque de violence et de harcèlement (OIT CEACR 2019; OIT 2020d; 2020e).
Encadré 10. Garantir l’égalité et la non-discrimination pour tous
Sexe, genre et responsabilités familiales
Estonie: aux termes du paragraphe 21 de la Stratégie de prévention de la violence 2015-2020, la prévention de la violence est guidée par plusieurs principes, dont les éléments suivants: «La promotion de l’égalité de genre est une partie importantedelapréventiondelaviolence. En réduisant l’inégalité de genre, il est possible de prévenir la violence et de réduire le préjudice qui en découle. L’égalité de genre concerne tant les hommes que les femmes. Par conséquent, les mesures de prévention et de réduction de la violence doivent cibler les hommes et les femmes afin de modifier les préjugés et les comportements stéréotypés, ainsi que les rôles des femmes et des hommes à la maison, au travail, à l’école et dans la communauté.»
Japon: depuis le 1er juin 2020, en vertu de la loi sur la prévention du harcèlement sur le lieu de travail, les entreprises de plus de 50 salariés doivent mettre en place des mesures de prévention du harcèlement sexuel et du harcèlement lié à la grossesse, à la maternité et au congé parental. Les entreprises doivent également prendre des mesures pour sanctionner les harceleurs. En vertu de la loi sur le congé parental et le congé familial et de la loi sur l’égalité de chances, telles que modifiées, les entreprises doivent prendre des mesures pour empêcher que les supérieurs ou les collègues ne créent un environnement de travail hostile à la grossesse d’une employée, à la mise au monde d’un enfant ou à la prise du congé parental ou du congé d’aidant (Bibliothèque du Congrès 2020).
Handicap
Autriche: aux termes de l’article 7 d) de la loi sur l’emploi des personnes handicapées, telle que modifiée: «Il y a harcèlement si, en même temps qu’un handicap, une personne est soumise à un comportement non désiré, inapproprié ou répréhensible qui vise à porter atteinte à sa dignité ou porte atteinte à sa dignité et instaure un environnement intimidant, hostile, dégradant ou humiliant pour la personne concernée.»
Azerbaïdjan: en vertu de l’article 6(3) de la loi n° 1153-VQ de 2018 sur les droits des personnes handicapées, la discrimination fondée sur le handicap est définie comme «toute distinction, exclusion ou restriction due au handicap, y compris le refus d’aménagement raisonnable». Ladite loi vise également à garantir la protection des personnes handicapées contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, toutes les formes d’exploitation, la violence et les insultes, ainsi que la protection de leur vie privée.
Race, origine nationale et origine sociale
États-Unis (Californie): en 2018, le Code réglementaire de Californie (art. 11027 et 11028) a été modifié afin d’élargir la définition de l’origine nationale et d’étendre la protection contre la discrimination à de nouvelles catégories d’individus. En particulier, sauf si un employeur peut apporter la preuve d’une nécessité pour l’entreprise, les restrictions concernant l’emploi d’une langue en particulier sont présumées illégales. En outre, un employeur ne peut discriminer une personne sur la base de son niveau d’anglais ou de son accent en anglais, sauf si ces éléments constituent un obstacle à la bonne exécution des tâches professionnelles. Enfin, toute discrimination à l’égard de salariés fondée sur leur statut migratoire est interdite, sauf si l’employeur apporte la preuve «claire et convaincante» que ses agissements étaient nécessaires pour respecter les lois fédérales relatives à l’immigration.
Hong-kong (Chine): l’ordonnance relative à la discrimination raciale de 2020 définit le harcèlement racial comme, premièrement, la «conduite qui n’est pas bienvenue» motivée par la race «dans des circonstances dans lesquelles une personne raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, aurait estimé que l’autre personne serait offensée, humiliée ou intimidée par cette conduite»; deuxièmement, la création d’un environnement hostile ou intimidant. Cette ordonnance suit le lancement, en 2018, de la Charte pour la diversité raciale et l’inclusion des salariés de la Commission pour l’égalité de chances, qui contient une liste de vérification des mesures et des pratiques que les employeurs doivent respecter (Hong-kong (Chine) 2018) 18
Orientation sexuelle et identité de genre
Brésil: en 2020, le Comité pour la promotion de l’égalité de chances et l’élimination de la discrimination au travail du bureau du ministère public chargé du travail a publié la note technique n° 02/2020 pour aider ce service à défendre les droits des LGBTQI+ dans le contexte du travail. D’après cette note technique, les employeurs (sociétés, organismes publics, individus et syndicats professionnels, de tous les secteurs économiques et entités à but non lucratif) sont tenus d’adopter des mesures pour empêcher que les salariés, salariés extérieurs, stagiaires ou clients LGBTQI+ ne soient directement ou indirectement exposés à la violence et au harcèlement qui s’enracinent dans la phobie des LGBTQI ou la transphobie ou au harcèlement sexuel et au cyberharcèlement fondés sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
Canada: en juin 2017, le gouvernement canadien a modifié la loi sur les droits de la personne afin de prohiber la discrimination dans l’emploi, dont le harcèlement résultant de la discrimination fondée sur l’identité et l’expression de genre.
Japon: les orientations sur la loi relative au harcèlement au travail disposent que l’«outing» d’une personne LGBTQI+ ou l’insulte visant la sexualité ou l’identité de genre d’une personne constituent un harcèlement hiérarchique et sont interdits (Bibliothèque du Congrès 2020).
États-Unis: le 15 juin 2020, dans Bostock v. Clayton County, la Cour suprême des États-Unis a statué que la loi de 1964 sur les droits civils protège les salariés contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
VIH et sida
Inde: la loide2017surlapréventionduVIHetlaluttecontreleVIHdispose ce quisuit: Nul ne doit, par des mots, prononcés ou écrits, publier, diffuser, défendre ou communiquer, par des signes ou par une représentation visible ou d’une autre manière, les sentiments de haine à l’égard de toutes personnes protégées ou de tout groupe protégé de manière générale ou particulière, ni diffuser, retransmettre ou émettre toute information, publicité ou avis qui peut être raisonnablement considéré comme attestant d’une intention de propager la haine ou qui est susceptible d’exposer des personnes protégées à la haine, à la discrimination ou à la violence physique (chap. 1).
Nicaragua: l’article 8 d)de la loi n° 779 de 2012 sur la violence à l’égard des femmes interdit toutes les formes de violence qui «discriminent les femmes dans les lieux de travail publics ou privés et qui font obstacle à leur accès à l’emploi, au recrutement, à un salaire décent et équitable, à une promotion, à leur stabilité ou à leur maintien dans leur emploi, en imposant des conditions concernant la situation matrimoniale, la maternité, la stérilisation chirurgicale, l’âge, l’apparence physique, le test de grossesse, le test du VIH/sida ou tout autre test sur l’état de santé des femmes».
Miscellanées
Albanie: l’article 9(2), tel que modifié, du Code du travail interdit la discrimination dans l’emploi et la profession en ajoutant les motifs suivants: handicap, VIH/sida ou affiliation syndicale (loi n° 136/2015).
France: au fil des ans, y compris récemment, la liste des motifs de discrimination prohibés contenus dans l’article L1132-1 du Code du travail a été élargie. Elle couvre désormais: l’origine, le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, la situation de famille, la grossesse, les caractéristiques génétiques, la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, l’appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, les opinions politiques, les activités syndicales, l’exercice d’un mandat électif, les convictions religieuses, l’apparence physique, le nom de famille, le lieu de résidence, le lieu de la domiciliation bancaire, l’état de santé, la perte d’autonomie, le handicap, et la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
Libéria: la loi de 2015 sur le travail décent interdit la discrimination directe et indirecte à l’égard de toutes les personnes qui travaillent ou cherchent à travailler fondée sur les motifs protégés par l’article 1(1) a) de la convention n° 111 de l’OIT, ainsi que sur un ensemble de motifs supplémentaires, dont la tribu, le groupe autochtone,lasituationéconomique,lacommunauté,lestatutd’immigrantou de résident temporaire, l’âge, le handicap physique ou mental, l’orientation de genre, la situation matrimoniale ou les responsabilités familiales, la grossesse et l’état de santé, y compris le statut VIH ou sida (art. 2.4 et 2.7) (OIT CEACR 2016).
Le Mexique a publié le décret exécutif appelé loi Olimpia, ou loi sur la violence numérique, qui porte modification du Code pénal pour Mexico et de la loi sur l’accès des femmes à une vie exempte de violence à Mexico. Les modifications apportées aux articles 209 et 236 du Code pénal de Mexico prévoient un alourdissement des peines si la violence numérique est exercée à l’égard de citoyens âgés, de personnes handicapées, de sans-abri ou de personnes autochtones, ou si des médias numériques ou électroniques ou tout autre dispositif de communication sont utilisés comme moyen de commission de l’infraction, ainsi que dans les cas où l’infraction utilise des images, des audios ou des vidéos renfermant un contenu sexuel intime (Mexique, sans date).
États-Unis (État de New York): en 2019, l’État de New York a étendu ses protections contre le harcèlement à toute catégorie protégée: âge, race, croyance, couleur, origine nationale, sexe, orientation sexuelle, identité ou expression de genre, statut militaire, handicap, caractéristiques génétiques entraînant une prédisposition, situation familiale, situation matrimoniale, source de revenu légale, arrestation et condamnation, santé sexuelle et génésique, et statut de victime de violence domestique (Zweig 2020).
Sao Tomé-et-Principe: la loi n° 6/2019 du 16 novembre 2018 définit et interdit la discrimination directe et indirecte fondée sur les motifs suivants: ascendance et origine sociale, race, couleur, âge, sexe, orientation sexuelle, situation matrimoniale, situation familiale, patrimoine génétique, capacité de travail réduite, handicap ou maladie chronique, nationalité, origine ethnique, religion, croyances politiques ou idéologiques et affiliation syndicale (art. 15 à 17).
S’agissant de la détermination des groupes vulnérables et des groupes en situation de vulnérabilité, le paragraphe 13 de la recommandation n° 206 précise que celle-ci devrait se faire conformément aux normes internationales du travail et aux instruments internationaux relatifs aux droits humains applicables. Le seul groupe dans une situation vulnérable que la recommandation n° 206 mentionne expressément est le suivant: «les travailleurs migrants, en particulier les travailleuses migrantes, quel que soit leur statut migratoire» (paragr. 10). Les travailleurs migrants, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, sont vulnérables à la violence et au harcèlement dans le monde du travail à tous les stades du cycle migratoire (BIT 2016c; 2017; OMS 2020) 19. Le fait que, dans de nombreux cas, les travailleurs migrants temporaires ou les migrants en situation irrégulière ne jouissent pas, en droit ou dans la pratique, de l’égalité de traitement avec les travailleurs nationaux, ou peuvent être exclus du champ d’application des dispositions individuelles et collectives relatives à l’emploi, aggrave cette situation et crée un niveau de menace plus élevé (OIT 2020f). Cette menace de violence et de harcèlement est encore plus présente pour les travailleuses migrantes dans ces situations.
Pour cette raison, le paragraphe 10 de la recommandation n° 206 invite les États Membres à «prendre des mesures législatives ou autres pour protéger contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail les travailleurs migrants, en particulier les travailleuses migrantes, quel que soit leur statut migratoire, dans les pays d’origine, de transit ou de destination selon qu’il convient». Outre le fait qu’ils garantissent que les dispositions individuelles et collectives relatives à l’emploi et les dispositions relatives au droit du travail couvrent également les travailleurs migrants, lorsqu’ils sont rédigés dans le respect des normes internationales du travail, les mémorandums d’accord et les accords bilatéraux peuvent contribuer à garantir la protection nécessaire pour toutes les personnes concernées.
Encadré 11. Violence et harcèlement et protection des travailleurs migrants
De récents accords bilatéraux relatifs au travail contiennent des dispositions affirmant que les travailleurs migrants devaient être traités dans le respect des lois de l’État d’accueil ou énonçant leurs droits humains en tant que travailleurs migrants (BIT 2017). Le nouvel accord entre les États-Unis d’Amérique, les États-Unis du Mexique et le Canada (qui a succédé à l’Accord de libre-échange nord-américain), récemment signé, mentionne expressément la nécessité de garantir les droits au travail aux travailleurs migrants, y compris tous les principes et droits fondamentaux au travail (art. 23.3 et 23.9), et de combattre tous cas de «violence, menaces et intimidation à l’égard des travailleurs» (art. 23.7). L’accord général entre le Népal et la Jordanie de 2017 1 contient également une disposition expresse sur la nécessité de garantir le droit à l’égalité et à la non-discrimination aux travailleurs migrants (Wickramasekara 2018).
1 Le nom complet de cet accord est Accord général dans le domaine de la main-d’œuvre entre le gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie et le gouvernement du Népal.
15 Même si les instruments de l’OIT relatifs à la liberté syndicale ne contiennent pas d’interdiction expresse de la violence contre les activités syndicales, la CEACR n’a de cesse de relever l’interdépendance entre les libertés publiques et les droits syndicaux, et en particulier l’importance, pour les syndicats, d’opérer dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de quelque nature que ce soit (voir BIT 2012).
16 Ladite étude est consacrée aux États-Unis et montre que ce recul bénéficie de manière disproportionnée aux femmes blanches, qui sont désormais beaucoup moins susceptibles de subir du harcèlement sexuel que, par exemple, les Américaines d’ascendance africaine.
17 Les politiques sociales qui allègent la charge du travail d’aide à la personne non rémunéré et qui favorisent un partage des responsabilités familiales de manière plus égale sont aussi essentielles, car elles combattent la discrimination sur le lieu de travail et permettent aux travailleurs, en particulier aux femmes, de combiner le travail familial et le travail rémunéré. Voir OIT 2018c; OIT 2019f.
18 Couvrant les domaines de l’environnement politique, culturel et professionnel, la Charte consiste en une liste de neuf lignes directrices: i) la mise en œuvre de politiques relatives à l’égalité raciale et à la diversité pour l’organisation; ii) la mise en place de procédures et de critères équitables en matière de recrutement, de nomination, de promotion, de formation du personnel et de licenciement; iii) l’examen régulier des processus et politiques d’emploi afin de faire tomber les obstacles pour les personnes de toutes les races; iv) la sensibilisation aux politiques et principes de l’inclusion raciale parmi le personnel; v) le fait d’encourager, de sa propre initiative, la collaboration avec les minorités raciales des communautés défavorisées et sous- représentées; vi) la création d’un environnement de travail sûr et collaboratif pour tous les salariés; vii) le fait de faire sentir aux salariés de toutes les races qu’ils sont impliqués et inclus; viii) la mise en place d’une procédure de plainte formelle pour les salariés afin que ceux-ci puissent dénoncer toute discrimination et bénéficier de réparation; ix) la garantie que les plaintes soient traitées rapidement, efficacement et confidentiellement (Hong-kong (Chine) 2018).
19 À ce propos, le Comité des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CMW) et le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants ont estimé que l’entrée illégale ou le séjour clandestin ne devaient pas être considérés comme des infractions pénales et que les migrants en situation irrégulière n’étaient pas des criminels par nature et qu’ils ne devaient pas être traités comme tels. Le CMW a également estimé qu’une telle incrimination alimente, parmi la population, l’idée que les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière sont «illégaux» ou représentent une concurrence déloyale pour les emplois et les prestations sociales, entretenant par là la discrimination et la xénophobie. Faisant fond sur cela, et compte tenu du fait qu’une telle incrimination expose davantage les travailleurs migrants au risque de violation de leurs droits humains fondamentaux, la CEACR a souligné qu’il était particulièrement important de prendre des mesures destinées à lutter contre les stéréotypes et les préjugés selon lesquels les migrants seraient plus enclins à la délinquance et à la violence, ainsi qu’à protéger tous les travailleurs migrants contre la discrimination raciale et la xénophobie (BIT 2016c, paragr. 294).
4.1. Définition et interdiction de la violence et du harcèlement
La convention n° 190 impose aux États «[d’]adopter une législation définissant et interdisant la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre» (art. 7). La définition et l’interdiction de la violence et du harcèlement dans la législation relative au travail comblent souvent un vide juridique, car, souvent, ces comportements passent inaperçus depuis très longtemps. Si une définition dans la législation est indispensable à des fins d’interprétation, seule une interdiction peut avoir un effet particulier sur une conduite et entraîner des comportements qui produisent un changement dans la pratique, protégeant ainsi les individus et prévenant efficacement la violence et le harcèlement.
Encadré 12. Interdiction de la violence et du harcèlement dans la législation relative au travail: exemples récents
Ces dernières années, un nombre croissant de pays ont introduit des définitions et interdictions expresses de la violence et du harcèlement, ou de certaines de leurs formes, dans la législation relative au travail, comme expliqué au chapitre 2 (en particulier au point 2.1). Si certaines de ces interdictions visent toujours uniquement les employeurs, d’autres ont un champ d’application plus général dans le domaine de la protection et interdisent la violence et le harcèlement en soi.
Albanie: le nouvel article 32(3) du Code du travail de 2015 interdit à l’employeur de harceler les travailleurs dans le but de dégrader les conditions de travail dans une mesure qui pourrait entraîner une violation des droits et de la dignité du travailleur, porter préjudice à la santé du travailleur ou infliger un préjudice physique ou mental à la future carrière professionnelle du travailleur, ou d’une manière qui entraînerait de tels effets.
Géorgie: l’article 6 de la loi de 2014 sur l’égalité de genre interdit explicitement:
leharcèlementet/oulacoercition d’une personne qui a pour but ou pour effet de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant, dégradant ou offensant;
tout comportement verbal, non verbal ou physique de nature sexuelle non désiré qui a pour but ou pour effet de violer la dignité d’une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile ou offensant.
Hong-kong (Chine): l’article 22A(1) de l’ordonnance relative au harcèlement des personnes handicapées interdit le harcèlement fondé sur le handicap sur le lieu de travail comme suit: «Il est illégal, pour quiconque se trouve sur un lieu de travail, de harceler une personne handicapée qui se trouve sur le même lieu de travail.»
Libéria: l’article 2.8 (interdiction du harcèlement sexuel) de la loi de 2015 sur le travail décent dispose ce qui suit:
Une personne ne peut harceler sexuellement une autre personne, directement ou indirectement:
dans toute pratique d’emploi; ou
dans l’exercice de son emploi.
Niger: l’article 122 du décret n° 2017-682/PRN/MET/PS portant partie réglementaire du Code du travail dispose ce qui suit: «Le harcèlement sexuel, dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, consistant à obtenir d’autrui par ordre, parole, intimidation, acte, geste, menace ou contrainte, des faveurs de nature sexuelle, ainsi que toute autre conduite de nature sexuelle qui a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour une personne, est interdit.»
Macédoine du Nord: l’article 3(3) de la loi sur l’égalité de chances entre les femmes et les hommes énonce ce qui suit: « La discrimination, le harcèlement et le harcèlement sexuel motivés par le genre sont interdits dans les secteurs public et privé dans les sphères de l’emploi et du travail.»
Roumanie: comme suite aux dispositions de l’ordonnance gouvernementale n° 137/2020, un nouveau paragraphe a été ajouté à l’article 6 de la loi n° 202/2002 sur l’égalité de chances et de traitement entre les femmes et les hommes. Ce nouveau paragraphe (1.2) dispose ce qui suit: «Le harcèlement moral sur le lieu de travail fondé sur le sexe est interdit».
Canada (Yukon): la loi sur la santé et la sécurité au travail, telle que modifiée en 2020, dispose que la politique du lieu de travail doit comprendre une déclaration portant que «la violence et le harcèlement sur le lieu de travail sont interdits».