La convention n° 190 et la recommandation n° 206 sont ancrées dans la Déclaration de Philadelphie (1944), qui dispose que «tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales». La nécessité de protéger la dignité de tous les êtres humains est intrinsèque aux travaux de l’OIT depuis sa création. Tout au long de son histoire, l’OIT a adopté plusieurs normes dont l’objectif est de protéger les travailleurs en général, ou certaines catégories de travailleurs, contre des situations dans lesquelles la violence et le harcèlement sont présents (voir tableau ci-après) (BIT 2017; 2016a). À titre d’exemple, certaines formes illégales de travail visées par les conventions fondamentales de l’OIT sont par nature liées à la violence (BIT 2017) 1. D’autres normes internationales du travail mentionnent expressément différentes manifestations de la violence et du harcèlement dans le monde du travail ou couvrent, d’après la Commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et recommandations (CEACR), certaines manifestations de la violence et du harcèlement. Plusieurs instruments de l’OIT concernent la sécurité et la santé au travail (SST) et visent à protéger la sécurité et la santé des travailleurs, y compris contre le risque de violence et de harcèlement 2. Même si la violence et le harcèlement ne sont pas expressément visés dans ces instruments, ces comportements constituent un risque pour la santé. Les instruments de l’OIT relatifs à la sécurité sociale énoncent le droit aux soins médicaux et aux soins connexes ainsi qu’à la réadaptation, y compris aux soins psychologiques et au traitement des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, ainsi qu’en cas de maladies générales. Ils visent également à assurer le versement de paiements périodiques en cas d’incapacité de travail temporaire, de perte permanente de la capacité de gain ou de décès 3.
Dispositions choisies sur la violence et le harcèlement qui figurent dans d’autres conventions, protocoles et recommandations de l’OIT
Conventions | Dispositions sur la violence et le harcèlement |
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Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930, et le protocole de 2014 y afférent; Convention (n° 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957 |
La convention n° 29 définit le travail forcé ou obligatoire comme «tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré» (art. 2(1)). La «menace d’une peine» doit s’entendre dans un sens très large qui couvre les sanctions pénales ainsi que diverses formes de coercition comme la violence physique, la coercition psychologique, la rétention de papiers d’identité, etc. La peine en question peut également prendre la forme de la privation d’un droit ou d’un avantage (BIT 2012). |
Convention (n°87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948; Convention (n°98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949 |
Si ces instruments n’incluent pas une interdiction explicite de la violence contre les activités syndicales, conformément à la Résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, l’OIT, la Commission de l’application des normes de la Conférence et le Comité de la liberté syndicale n’ont de cesse de relever l’interdépendance entre les libertés civiles et les droits syndicaux, et en particulier l’importance, pour les syndicats, d’opérer dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de quelque nature que ce soit (OIT 1970; BIT 2012). |
Convention (n° 138) sur l’âge minimum,
1973; Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 |
Les pires formes de travail des enfants comportent par définition la violence et le harcèlement physique et psychologique (convention n° 182, art. 3 a) à d)). En outre, l’exposition possible à la violence et au harcèlement sert dans la détermination des travaux dangereux (convention n° 138, art. 3(1); convention n° 182, art. 3 d)) (BIT 2012). |
Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 | Le harcèlement sexuel est considéré comme une forme grave de discrimination fondée sur le sexe qui relève du champ d’application de la convention (art. 1) (BIT 2012). Les définitions de la discrimination devraient également comprendre le harcèlement fondé sur la discrimination en tant que forme grave de discrimination, en particulier le harcèlement racial (OIT CEACR 2019). |
Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 | L’article 20(3) dispose que les travailleurs appartenant aux peuples indigènes et tribaux jouissent d’une protection contre le harcèlement sexuel. |
Convention (n° 181) sur les agences d’emploi privées, 1997 | L’article 8(1) prévoit l’adoption de mesures pour faire en sorte que les travailleurs migrants recrutés ou placés sur son territoire par des agences d’emploi privées bénéficient d’une protection adéquate, et pour empêcher que des abus ne soient commis à leur encontre. |
Convention du travail maritime, 2006 (MLC, 2006) | Le principe directeur B4.3.1 dispose que l’autorité compétente doit veiller à ce qu’il soit tenu compte des conséquences pour la santé et la sécurité du harcèlement et de l’intimidation. Le principe directeur B4.3.6 dispose que, s’agissant des enquêtes, il faudrait envisager d’inclure les problèmes résultant du harcèlement et de l’intimidation. |
Recommandation (n° 200) sur le VIH et le sida, 2010 | Le paragraphe 14 c) dispose que des mesures devraient être prises sur le lieu de travail ou par l’intermédiaire de celui-ci pour réduire la transmission du VIH et atténuer son impact, en vue notamment «de garantir des actions de prévention et d’interdiction de la violence et du harcèlement sur le lieu de travail». |
Convention (n° 189) et recommandation (n° 201) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 | L’article 5 dispose que tout Membre doit prendre des mesures afin d’assurer que les travailleurs domestiques bénéficient d’une protection effective contre toutes les formes d’abus, de harcèlement et de violence. Le paragraphe 7 de la recommandation n° 201 mentionne la mise en place des mécanismes destinés à protéger les travailleurs domestiques des abus, du harcèlement et de la violence, notamment en créant des mécanismes de plainte accessibles, en assurant que toutes les plaintes pour abus, harcèlement et violence soient instruites et donnent lieu à des poursuites, et en élaborant des programmes de relogement et de réadaptation des travailleurs domestiques victimes d’abus, de harcèlement et de violence. |
Recommandation (n° 204) sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, 2015 | Le paragraphe 11(f) recommande l’adoption d’un cadre de politiques intégrées qui devrait porter sur «la promotion de l’égalité et l’élimination de toutes les formes de discrimination et de violence, y compris la violence sexiste, sur le lieu de travail». |
Recommandation (n° 205) sur l’emploi et le travail décent pour la paix et la résilience, 2017 | Le paragraphe 15(e) dispose ce qui suit: «Dans leur réponse à la discrimination résultant de conflits ou de catastrophes ou exacerbée par ceux-ci, et lorsqu’ils prennent des mesures pour promouvoir la paix, prévenir les crises, permettre le redressement et renforcer la résilience, les Membres devraient: […] e) prévenir et punir toutes les formes de violence sexiste, notamment le viol, l’exploitation sexuelle et le harcèlement sexuel, et protéger et soutenir les victimes.» |
1 Le Conseil d’administration du BIT a dénombré huit conventions «fondamentales» qui couvrent des sujets considérés comme étant des principes et droits fondamentaux au travail: la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective; l’élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire; l’abolition effective du travail des enfants; et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. Ces principes sont couverts par la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (1998) (OIT 2019a; 2018d). Pour en savoir plus, voir OIT, «Conventions et recommandations».
2 Les normes de l’OIT relatives à la SST sont les suivantes: la convention (n° 155) et la recommandation (n° 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981; le protocole de 2002 relatif à la convention sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981; la convention (n° 161) et la recommandation (n° 171) sur les services de santé au travail, 1985; la recommandation (n° 194) sur la liste des maladies professionnelles, 2002; et la convention (n° 187) et la recommandation (n° 197) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006.
3 Les principales normes de l’OIT relatives aux prestations en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle sont: la Partie VI de la convention (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952; la convention (n° 121) sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964 [tableau I modifié en 1980]; la recommandation (n° 121) sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964; et la recommandation (n° 194) sur la liste des maladies professionnelles, 2002.