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5.1. L’obligation faite aux employeurs de prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail
La convention n° 190 et la recommandation n° 206 disposent que les Membres doivent adopter une législation prescrivant aux employeurs de «prendre des mesures appropriées correspondant à leur degré de contrôle pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre» (convention n° 190, art. 9).
Article 9
Tout Membre doit adopter une législation prescrivant aux employeurs de prendre des mesures appropriées correspondant à leur degré de contrôle pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre, et en particulier, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable:
d’adopter et de mettre en œuvre, en consultation avec les travailleurs et leurs représentants, une politique du lieu de travail relative à la violence et au harcèlement;
de tenir compte de la violence et du harcèlement, et des risques psychosociaux qui y sont associés, dans la gestion de la sécurité et de la santé au travail;
d’identifier les dangers et d’évaluer les risques de violence et de harcèlement, en y associant les travailleurs et leurs représentants, et de prendre des mesures destinées à prévenir et à maîtriser ces dangers et ces risques;
de fournir aux travailleurs et autres personnes concernées, sous des formes accessibles selon le cas, des informations et une formation sur les dangers et les risques de violence et de harcèlement identifiés et sur les mesures de prévention et de protection correspondantes, y compris sur les droits et responsabilités des travailleurs et autres personnes concernées en lien avec la politique visée à l’alinéa a) du présent article.
Dans la plupart des pays, la législation impose aux employeurs de respecter le droit des travailleurs à l’égalité et à la non-discrimination, ainsi que de protéger la sécurité et la santé des travailleurs sur le lieu de travail. En outre, les travailleurs sont généralement tenus par la loi de respecter les réglementations relatives à la sécurité et à la santé. Dans certains de ces pays, la SST inclut implicitement ou explicitement les risques et les dangers qui peuvent entraîner violence et harcèlement. Dans certains pays, la violence et le harcèlement fondés sur le genre ou d’autres formes de harcèlement fondées sur la discrimination font l’objet de mesures préventives spécifiques. L’obligation de prévenir différentes formes de violence et de harcèlement et de protéger contre celles-ci est de plus en plus considérée comme une obligation autonome.
5.1.1. L’étendue de la responsabilité des employeurs
Même si ces deux qualificatifs ne sont pas définis dans la convention n° 190 ou la recommandation n° 206, il apparaît clairement que les employeurs ne peuvent pas être responsables des situations, circonstances ou personnes qui échappent à leur degré de contrôle. Une certaine flexibilité est prévue. Autrement dit, les mesures prises doivent être proportionnées aux moyens disponibles et raisonnables dans un contexte donné. Il incombe donc à chaque pays ayant ratifié la convention n° 190:
Les obligations au titre de l’article 9 devraient être lues à la lumière du concept de violence et de harcèlement tel que défini à l’article 1, du champ de protection établi à l’article 2, et en lien avec toutes les occasions énoncées à l’article 3. Toutefois, la responsabilité des employeurs est qualifiée sur deux plans: premièrement, les mesures prescrites doivent être «appropriées» et correspondre au «degré de contrôle» des employeurs; deuxièmement, elles doivent être prises «dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable» 24.
de définir les critères qui serviront à préciser le «degré de contrôle» des employeurs; et
d’évaluer les mesures à prendre et les moyens par lesquels ces mesures seront appliquées pour prévenir la violence et le harcèlement.
Encadré 18. Violence et harcèlement et responsabilités des employeurs
Albanie: l’article 32(1) du Code du travail (loi n° 136/2015) dispose que les employeurs sont tenus de respecter et de protéger la relation d’emploi en prenant toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité, la santé mentale et physique des salariés; prévenir le harcèlement moral et sexuel, et le faire cesser, par des sanctions appropriées; et prévenir tout comportement qui porterait atteinte à la dignité du salarié.
Chine: depuis 2020, le Code civil tel que modifié énonce de nouvelles obligations, y compris pour les employeurs, en ce qui concerne le harcèlement sexuel. L’article 1010 dispose ce qui suit:
Une personne qui a été harcelée sexuellement contre son gré par des propos tenus oralement, par des écrits, par des images, par des actes physiques ou par des agissements similaires, a le droit de traduire en justice civile l’auteur de ces actes, conformément à la loi. Les organismes publics, les entreprises, les écoles et d’autres organisations doivent prendre des précautions raisonnables, accepter et entendre les plaintes, enquêter et traiter les cas, et prendre d’autres mesures similaires pour prévenir le harcèlement sexuel commis par une personne qui tire avantage de sa position et de son pouvoir, ou d’une relation supérieur/subordonné, et d’une situation similaire, et le faire cesser.
France: depuis le 1er janvier 2019, les entreprises d’au moins 250 salariés doivent nommer un référent chargé d’orienter, d’informer et d’aider les salariés dans la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes (référent «lutte contreleharcèlementsexueletlesagissementssexistes») 25.
Niger: l’article 122 du décret n° 2017-682/PRN/MET/PS portant partie réglementaire du Code du travail dispose ce qui suit: «L’employeur doit prendre touteslesdispositionsnécessaires en vue de prévenir les agissements du harcèlement sexuel.»
Portugal: le Code du travail, tel que modifié par la loi n° 73/2017 du 16 août 2017, renforce le cadre législatif de prévention du harcèlement, notamment en introduisant l’obligation faite aux entreprises de plus de sept salariés d’adopter un code de bonne conduite sur le harcèlement sur le lieu de travail (art. 127(1) k)) et d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de tout salarié chaque fois qu’une allégation de harcèlement au travail est révélée (art. 129(1) l)). En 2018, un Guidepourl’élaborationducodedebonneconduitepourlapréventiondu harcèlement autravailetlaluttecontrecephénomènea été publié (Coelho et al. 2018).
Porto Rico (États-Unis): l’article 5 de la loi n° 90 de 2020 énonce ce qui suit:
Un employeur qui se livre au harcèlement sur le lieu de travail, y incite ou le permet est civilement responsable à l’égard des personnes touchées. Il incombe à tout employeur de prendre les mesures nécessaires pour éliminer ou réduire au minimum le fait de harcèlement sur le lieu de travail. Par conséquent, tout employeur doit adopter et mettre en œuvre les politiques internes nécessaires pour prévenir, décourager et éviter le harcèlement dans le milieu de travail sur ses lieux de travail, ainsi que pour enquêter sur toutes les allégations et imposer les sanctions correspondantes le cas échéant.
Roumanie: l’article 2 de la loi n° 202 de 2002 sur l’égalité de chances et de traitement entre les femmes et les hommes, telle que modifiée en 2015 et en 2018, dispose que les institutions et autorités publiques locales et centrales, civiles et militaires, de plus de 50 salariés, ainsi que les entreprises privées de plus de 50 salariés, doivent nommer un salarié auquel sont attribuées les tâches relevant du domaine de l’égalité de chances et de traitement entre femmes et hommes, dont la prévention du harcèlement au travail et la lutte contre ce phénomène.
Arabie saoudite: l’article 5(1) de la loi de 2018 contre le harcèlement dispose ce qui suit:
Les autorités compétentes du secteur public et du secteur privé doivent mettre en place les mesures nécessaires pour prévenir et combattre le harcèlement dans leur propre environnement de travail, qui doivent comprendre:
un mécanisme de plaintes interne dans le secteur;
les procéduresnécessairespour établir la véracité et la gravité des plaintes tout en préservant leur confidentialité;
la diffusionetlacommunicationde ces mesures aux personnes qu’elles ciblent.
Ledit article dispose également ce qui suit: «Les autorités compétentes du secteur public et du secteur privé doivent demander des comptes, en termes disciplinaires, à toute personne visée par les mesures prévues qui contreviendrait à toute disposition énoncée dans la présente loi, conformément aux procédures établies.»
Initiatives menées par les partenaires sociaux et les entreprises
Équateur: la Chambre des industries et de la production (CIP) a élaboré plusieurs mesures contre la violence fondée sur le genre. En particulier, en octobre 2020, elle a lancé une campagne globale sur la prévention et l’élimination de la violence contre les femmes au travail, à la maison, à l’école et dans la société («Másunidas,másprotegidas»). De nombreuses entreprises membres de la CIP ont également adopté des codes de bonne conduite/de déontologie qui interdisent toute forme de violence ou de harcèlement à l’égard des femmes au travail (Portal Diverso 2020).
Inde: la compagnie de bus Bengaluru Metropolitan Transport Corporation a créé un comité pour la sûreté des femmes avec des membres de l’association des usagers, des organisations de la société civile et de la police. Après une étude auprès des usagers des bus, la compagnie a installé des camérasdetélévisionen circuit fermé dans les bus et les gares routières. Elle a également organisé une formation sur la question du genre à l’intention des conducteurs et a cherché à recruter et à former des conductrices dans le but notamment de combattre la violence et le harcèlement fondés sur le genre (Social Development Direct 2020a).
Japon: établi au début des années 1950 par des syndicats et des coopératives de consommateurs qui souhaitaient permettre à leurs membres d’accéder à des financements, à une époque où les travailleurs étaient exclus du secteur financier, Rokin Banks est un réseau de 13 institutions financières coopératives menées par des syndicats qui opère dans tout le Japon. Il compte plus de 51 000 organisations membres qui représentent 11 millions de personnes, essentiellement des travailleurs, dont des travailleurs à faible revenu (Kurimoto, Koseki et Breda 2019). Rokin Banks a récemment élaboré et adopté les «Lignes directrices de Rokin concernant le harcèlement», qui apportent une protection contre toutes les formes de harcèlement, y compris le harcèlement par des tiers. La portée personnelle et matérielle de ces lignes directrices reflète les articles 2 et 3 de la convention n° 190. Ces lignes directrices octroient une large protection grâce à l’établissement de dispositifs internes en matière de signalement et de plainte, de moyens de recours et de réparation efficaces et de protection contre des représailles, d’un service de consultation pour les victimes et de mécanismes d’orientation vers les organismes spécialisés et les syndicats afin de garantir que toutes les formes de signalement de harcèlement sont centralisées et que les travailleurs ont facilement accès à ces services (Rokin Banks 2021).
Fédération de Russie: en janvier 2021, la plateforme russe de livraison de repas Yandex a ajouté de nouvelles conditions à sa politique. D’après ces nouvelles règles, la plateforme Yandex peut bloquer ou restreindre l’accès des usagers aux fonctions des services en cas d’agression d’un livreur ou d’impolitesse à son égard. L’entreprise prévoit d’offrir un conseil juridique aux livreurs qui seraient confrontés à de tels agissements (Khachatryan 2021).
Afrique du Sud: l’entreprise agricole Country Bird a mis en place une série de mesures visant à améliorer la sécurité physique et à réduire les risques de violence et de harcèlement fondés sur le genre pendant et après le travail. Après une série d’incidents, Country Bird a instauré un service de minibus pour les travailleurs après leur quart de nuit et augmenté le nombre de caméras de télévision en circuit fermé dans l’usine (Social Development Direct 2020c).
24 Il convient de noter qu’il s’agit d’un concept commun dans la législation relative à la SST qui apparaît effectivement dans la convention n° 155, dont l’article 4(2) dispose ce qui suit: «Cette politique [en matière de sécurité, de santé des travailleurs et de milieu de travail] aura pour objet de prévenir les accidents et les atteintes à la santé qui résultent du travail, sont liés au travail ou surviennent au cours du travail, en réduisant au minimum les causes des risques inhérents au milieu de travail, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable» (BIT 1979).
25 Dans son guide pratique, le gouvernement français propose que le référent «lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes»: i) en mettant en place des mesures de sensibilisation et de formation pour les employés et les responsables; ii) en orientant les salariés vers les autorités compétentes (inspecteur du travail, médecin du travail, Défenseur des droits); iii) en instaurant des procédures internes visant à encourager le signalement et le traitement d’une situation de harcèlement sexuel ou d’agissements sexistes; iv) en conduisant des enquêtes internes après le signalement d’une situation de harcèlement sexuel ou d’agissements sexistes (France 2019).
5.2. Adoption et mise en œuvre d’une politique du lieu de travail relative à la violence et au harcèlement
Les pays qui ont ratifié la convention doivent notamment prescrire aux employeurs «d’adopter et de mettre en œuvre, en consultation avec les travailleurs et leurs représentants, une politique du lieu de travail relative à la violence et au harcèlement» (art. 9). Il s’agit d’une stratégie clé pour promouvoir un environnement et une culture de travail exempts de violence et de harcèlement. Fondées sur les pratiques existantes et sur les éléments figurant au paragraphe 7 de la recommandation n° 206, ces politiques pourraient, par exemple, inclure l’engagement et la responsabilité de l’employeur eu égard au maintien d’un environnement sûr (paragr. 7 a) et c)); une définition de la violence et du harcèlement; et des exemples pertinents des comportements, conduites et pratiques interdits selon le contexte, le secteur et la profession.
Il est souhaitable que ces politiques établissent des programmes de prévention de la violence et du harcèlement qui, le cas échéant, contiennentdes objectifs mesurables (recommandation n° 206, paragr. 7 b)). Il est également souhaitable d’informer les salariés sur leurs droits et responsabilités, y compris les mesures disciplinaires qui peuvent dériver des violations de ces interdictions (recommandation n° 206, paragr. 7 c)).
Ces politiques devraient consister à encourager les salariés à signaler les comportements et les communications qui pourraient conduire à la violence et au harcèlement, en fournissant des informations sur les procédures de plainte et d’enquête et sur l’engagement de l’employeur à traiter tout incident en temps opportun et de manière efficace (recommandation n° 206, paragr. 7 d) et e)). À ce propos, il serait important que les employeurs s’engagent à protéger le droit des individus à la vie privée et à la confidentialité en le conciliant avec le droit des travailleurs d’être informés de tout danger, ainsi que leur droit de ne pas être des victimes ni de subir des représailles (recommandation n° 206, paragr. 7 f) et g)). Ces politiques devraient être régulièrement communiquées aux salariés (sous des formes accessibles selon le cas) et systématiquement appliquées.
Encadré 19. Dispositions juridiques imposant des politiques du lieu de travail relatives à la violence et au harcèlement
Ces dernières années, de nombreux pays ont adopté des dispositions imposant aux employeurs d’adopter une politique du lieu de travail relative à la violence et au harcèlement, en tant que politique autonome expressément consacrée à la question de la violence et du harcèlement ou dans le cadre de leurs obligations découlant de leur devoir de fournir un lieu de travail sûr conformément aux règles de SST ou de leur devoir de garantir un lieu de travail exempt de discrimination.
Canada: depuis le 1er janvier 2021, les employeurs travaillant dans un secteur ou un lieu de travail sous réglementation fédérale doivent élaborer une politique de prévention du harcèlement et de la violence au travail avec le comité d’orientation, le comité du lieu de travail ou le représentant en matière de santé et de sécurité, selon la taille de l’employeur. cette politique devrait normalement:
préciser l’engagement de l’employeur à prévenir le harcèlement et la violence et à protéger les employés;
décrire les rôles des parties sur les lieux de travail relativement au harcèlement et à la violence en milieu de travail;
citer les facteurs de risque qui contribuent au harcèlement et à la violence en milieu de travail;
énumérer les formations que l’employeur offrira sur le harcèlement et la violence en milieu de travail;
définir le processus de règlement des plaintes que les employés doivent suivre s’ils sont témoins ou victimes de harcèlement ou de violence en milieu de travail;
indiquer la raison pour laquelle un examen et une mise à jour de l’évaluation du milieu de travail doivent être effectués;
inclure les procédures d’urgence à mettre en œuvre dans les cas suivants:
– lorsqu’un incidentconstitue un dangerimmédiatpourla santé et la sécurité d’un employé,
lorsqu’il existe une menace d’un tel incident;
expliquer comment l’employeur entend protéger la vie privée des personnes en cause à l’occasion d’un:
incident,
processus de règlement d’un incident;
décrire les recours dont peuvent disposer les personnes en cause dans un incident;
indiquer les mesures de soutien offertes aux employés; et
nommer la personne désignée pour recevoir les plaintes liées à la non-conformité de l’employeur au code ou au règlement (Canada, sans date).
France: l’article L1321-2 du Code du travail, tel que modifié en 2016, introduit l’obligation faite aux employeurs de disposer d’un règlement intérieur qui rappelle notamment «les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes prévues par le présent code».
Kenya: la loi sur l’emploi dispose qu’un employeur de 20 salariés ou plus doit, après consultation avec les salariés ou leurs représentants, le cas échéant, publier une déclaration de politique générale sur le harcèlement sexuel.
Panama: en vertu de la loi de 2018 contre la discrimination, tout employeur, toute institution publique et privée et tout établissement d’enseignement est désormais chargé d’élaborer des politiques internes pour prévenir, éviter, décourager et sanctionner les actes discriminatoires tels que le harcèlement sexuel ou toute autre forme de harcèlement, l’intimidation sur le lieu de travail, le racisme et le sexisme.
Pérou: en juillet 2019, le Pérou a adopté une nouvelle loi qui impose aux employeurs d’adopter des politiques contre le harcèlement et des procédures d’enquête, de dispenser une formation contre le harcèlement, de mener des évaluations annuelles du risque de harcèlement sexuel et de mettre sur pied un comité chargé de la lutte contre le harcèlement sexuel ou de nommer une personne chargée de cette lutte, selon la taille de l’employeur (décret suprême n° 014-2019-MIMP).
Philippines: en vertu de l’article 17 de la loi de 2018 sur les espaces sûrs, les employeurs ou les autres personnes qui exercent une autorité, une influence ou un ascendant moral sur un lieu de travail sont tenus de prévenir, de décourager ou de sanctionner les agissements de harcèlement sexuel fondés sur le genre sur le lieu de travail. À cette fin, l’employeur ou la personne qui exerce une autorité, une influence ou un ascendant moral doit:
diffuser ou afficher dans un lieu visible une copie de la loi pour toutes les personnes sur le lieu de travail;
prévoir des mesures de prévention du harcèlement sexuel fondé sur le genre sur le lieu de travail, notamment des séminaires sur la lutte contre le harcèlement sexuel;
créer un mécanisme interne indépendant ou un comité sur la bienséance et les investigations auquel il incombera de traiter les plaintes pour harcèlement sexuel fondé sur le genre et d’enquêter dessus. il devra notamment:
garantir la confidentialité dans la plus grande mesure possible;
fournir et diffuser, en consultation avec toutes les personnes sur le lieu de travail, un code de bonne conduite ou une politique du lieu de travail.
Soudan du Sud: l’article 7(3) et (4) de la loi de 2017 sur le travail dispose ce qui suit:
Un employeur qui emploie 20 salariés ou plus doit, après consultation des représentants des employeurs, publier une déclaration générale sur le harcèlement sexuel.
Cette politique doit contenir, au minimum:
la définition du harcèlement sexuel […] et
une déclaration indiquant que:
tout salarié a le droit de travailler à l’abri du harcèlement sexuel;
l’employeur doit prendre des mesures pour garantir qu’aucun salarié n’est soumis au harcèlement sexuel;
l’employeur doit prendre les mesures disciplinaires qu’il juge nécessaires à l’endroit de toute personne sous sa direction qui soumet un salarié au harcèlement sexuel.
En outre, cette déclaration doit contenir des dispositions relatives à la confidentialité et à l’interdiction des représailles 26.
Ukraine: l’ordonnance n° 56 de 2020 du ministère de la Politique sociale a porté approbation des Lignes directrices relatives à l’inclusion, dans les conventions collectives, de dispositions visant à garantir l’égalité de chances et de possibilités pour les femmes et les hommes dans l’emploi. Ces lignes directrices recommandent que les conventions collectives contiennent des dispositions sur la lutte contre le sexisme, différentes formes de harcèlement, dont le harcèlement sexuel, le harcèlement moral et d’autres formes de comportement agressif sur le lieu de travail 27.
5.2.1. Le devoir de collaboration des travailleurs et de leurs représentants
La convention n° 190 rappelle le rôle que les travailleurs et les autres personnes concernées doivent jouer, en mentionnant leurs «responsabilités» eu égard à la politique du lieu de travail relative à la violence et au harcèlement (art. 9 a)à d)). D’après le paragraphe 7 de la recommandation n° 206, les pays qui ont ratifié la convention «devraient, selon le cas, préciser dans la législation que les travailleurs et leurs représentants devraient prendre part à la conception, à la mise en œuvre et au suivi de la politique du lieu de travail visée à l’article 9 a) de la convention». Il y est en outre dit que cette politique devrait «préciser les droits et obligations des travailleurs et de l’employeur» (paragr. 7 c)). Les employeurs et les travailleurs ont des responsabilités en ce qui concerne la prévention de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, ainsi que le fait de s’abstenir de commettre de tels actes. Les travailleurs et les autres personnes concernées ont le devoir général de prendre soin de leur propre sécurité et santé, ainsi que de celles des personnes qui pourraient être touchées par leurs agissements au travail. En outre, les travailleurs et leurs représentants jouent un rôle essentiel en élaborant, avec les employeurs, une politique du lieu de travail relative à la violence et au harcèlement, compte tenu de leur connaissance du fonctionnement des opérations, des activités de l’entreprise et des menaces potentielles. Ils jouent également un rôle essentiel dans le respect effectif des dispositions de la politique (OIT 2020c).
Encadré 20. Dispositions relatives aux responsabilités des travailleurs
Certains pays adoptent des dispositions imposant expressément aux travailleurs de s’abstenir de violence et de harcèlement au travail.
Djibouti: comme suite aux modifications apportées en 2018, les articles 4 bis et ter du Code du travail disposent que tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral ou sexuel est passible d’une sanction disciplinaire.
Équateur: l’article 46 j) du Code du travail, tel que modifié en 2017, dispose que le travailleur n’a pas le droit de commettre des agissements de harcèlement sur le lieu de travail à l’égard d’un collègue, de l’employeur, d’un supérieur hiérarchique ou d’un subordonné.
Grenade: la politique nationale de 2019 sur la SST énonce notamment les responsabilités suivantes des travailleurs: «Coopérer avec l’employeur dans le domaine de la mise en œuvre de la loi, des réglementations ou des politiques relatives à la SST. Prendre les précautions d’usage et ne pas mettre inconsidérément en danger la sécurité ou la santé de soi-même ou d’autrui. […] Signaler les problèmes de santé et de sécurité, y compris les facteurs psychosociaux et le stress, les accidents, les incidents ou les accidents évités de justesse, liés au travail, au représentant pour la santé et la sécurité élu» (Grenade 2019, p. 14).
Mexique: en vertu de l’article 47 du Code du travail fédéral, l’employeur peut mettre un terme à la relation d’emploi quand un travailleur a commis un acte de violence, a insulté ou a maltraité des collègues, l’employeur ou sa famille, les dirigeants, des clients ou des fournisseurs.
Philippines: l’article 18 de la loi de 2018 sur les espaces sûrs dispose que:
Lessalariésetlescollaborateurssonttenus:
de s’abstenir de commettre des agissements de harcèlement sexuel fondés sur le genre;
de décourager la conduite de harcèlement sexuel fondé sur le genre sur le lieu de travail;
d’apporter un soutien moral ou social aux autres salariés, collaborateurs, collègues ou pairs victimes de harcèlement sexuel fondé sur le genre; et
de signaler les agissements de harcèlement sexuel dont ils ont été témoins sur le lieu de travail.
Fédération de Russie: le paragraphe 6 du point 7.2 du règlement intérieur sur le travail, qui figure à l’annexe 6 de la convention collective de l’Université RUDN pour 2019-2022, définit l’expression «violation massive des obligations professionnelles» comme tout harcèlement sexuel ou d’autre nature à l’endroit d’un étudiant, d’un collègue, ainsi que l’expression de menaces graves à leur encontre; l’insulte et l’humiliation à l’égard de la dignité d’un étudiant, y compris les cas de violence physique ou psychologique à l’endroit d’un étudiant. Cette disposition énonce le droit de l’employeur de prévoir des mesures disciplinaires à l’endroit du salarié en question, voire de licencier la personne qui a commis de telles violences pour violation massive répétée, si celle-ci est considérée comme étant un «travailleur pédagogique» (Université RUDN 2019).
26L’article 5 de la loi de 2017 sur le travail contient une définition du «harcèlement sexuel» selon laquelle ce comportement peut se traduire par les agissements suivants:
a) plaisanteries à caractère sexuel ou indélicates, propos obscènes, sifflets, propos crus, insultes, insinuations, gestes indécents et obscènes; b) commentaires avilissants sur l’anatomie d’une personne ou demandes persistantes de rendez- vous; c) demandes de faveurs sexuelles, questions sur la vie personnelle/sexuelle, propos suggestifs à connotation expressément sexuelle en échange de «récompenses»; d) contact physique non désiré, de quelque nature qu’il soit, y compris caresses, attouchements et baisers; e) affichages d’images pornographiques et suggestives et/ou d’objets sexuels; f) communications écrites, téléphoniques ou électroniques offensantes; g) exhibitionnisme ou vêtements indécents; h) agression sexuelle et viol; i) les avances sexuelles indésirables, les demandes de faveurs sexuelles ou le comportement physique à caractère sexuel constituent également du harcèlement sexuel.
27 Ces dispositions peuvent prévoir une procédure de plainte, le respect du principe de confidentialité et la protection contre les représailles, des règles disciplinaires, une stratégie de formation et la sensibilisation des salariés à ces questions.
5.3. Donner un nouveau souffle à la sécurité et à la santé au travail pour lutter contre la violence et le harcèlement
L’article 9 b) et c) de la convention n° 190 reconnaît que la violence et le harcèlement, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre, et les risques psychosociaux y associés, constituent non seulement une question de discrimination et d’inéquité, mais également un risque pour la santé.
Article 9
Tout Membre doit adopter une législation prescrivant aux employeurs de prendre des mesures appropriées correspondant à leur degré de contrôle pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre, et en particulier, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable: […]
de tenir compte de la violence et du harcèlement, et des risques psychosociaux qui y sont associés, dans la gestion de la sécurité et de la santé au travail;
d’identifier les dangers et d’évaluer les risques de violence et de harcèlement, en y associant les travailleurs et leurs représentants, et de prendre des mesures destinées à prévenir et à maîtriser ces dangers et ces risques;
Au fil des dernières décennies, plusieurs instruments de l’OIT relatifs à la SST ont été élaborés pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs. Il s’agit des normes suivantes:
Convention (n° 155) et recommandation (n° 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981;
Protocole de 2002 relatif à la convention sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981;
Convention (n° 161) et recommandation (n° 171) sur les services de santé au travail, 1985;
Recommandation (n° 194) sur la liste des maladies professionnelles, 2002; et
Convention (n° 187) et recommandation (n° 197) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006.
Même si ces instruments ne traitent pas expressément de la violence et du harcèlement, cette conduite a toujours été considérée comme un risque évident pour la santé (OIT 2020c). La convention n° 190 et la recommandation n° 206 énoncent désormais clairement que la violence et le harcèlement, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre, doivent être abordés dans le cadre de la gestion de la SST. L’article 12 de la convention n° 190 précise que l’un des moyens d’appliquer les dispositions de la convention consiste à étendre ou à adapter «les mesures existantes de sécurité et de santé au travail à la question de la violence et du harcèlement et [à élaborer] des mesures spécifiques si nécessaire» 28. Dans plusieurs pays, la législation relative à la SST inclut déjà le devoir de l’employeur d’évaluer les risques pour la sécurité et la santé associés à son lieu de travail afin de les repérer, de les réduire et, chaque fois que possible, de les prévenir. Si la direction est responsable du contrôle des risques, les travailleurs ont un rôle essentiel à jouer pour aider à repérer et à analyser les dangers sur le lieu de travail.
De nombreux facteurs contribuent à la violence et au harcèlement au travail, y compris les dangers psychosociaux et le stress au travail (OIT 2020g). Cela étant, le paragraphe 8 de la recommandation n° 206 énonce ce qui suit:
L’évaluation des risques sur le lieu de travail […] devrait tenir compte des facteurs d’aggravation des risques de violence et de harcèlement, y compris les dangers et risques psychosociaux. Une attention particulière devrait être accordée aux dangers et risques qui:
découlent des conditions et modalités de travail, de l’organisation du travail ou de la gestion des ressources humaines, selon le cas;
impliquent des tiers, tels que des clients, des prestataires de service, des usagers, des patients et des membres du public;
sont dus à la discrimination, à des abus liés à des relations de pouvoir, ou à des normes de genre ou normes culturelles et sociales favorisant la violence et le harcèlement 29.
Les risques psychosociaux peuvent être définis comme étant les aspects de la conception, de l’organisation et de l’administration du travail, ainsi que des contextes sociaux et environnementaux, susceptibles de porter préjudice. Les risques psychosociaux qui causent le stress au travail peuvent également accentuer le risque de violence et de harcèlement au travail. Si la violence et le harcèlement peuvent être induits par plusieurs facteurs individuels, sociaux et organisationnels, la recherche montre que, à titre d’exemple, le harcèlement moral va probablement sévir dans des environnements de travail stressants dans lesquels les travailleurs sont exposés à des niveaux élevés de conflits interpersonnels et à des styles de direction toxiques (Johan Hauge, Skogstad et Einarsen 2007). D’autres études montrent également un cercle vicieux dans lequel les risques psychosociaux entraînent le harcèlement, qui entraîne à nouveau des risques psychosociaux (OIT 2020c). Les risques psychosociaux varient selon les secteurs, les lieux de travail, les groupes de travailleurs et les professions. Ils peuvent comprendre la violence et le harcèlement exercés par des tiers, ainsi que la violence domestique, le cas échéant. Les principaux dangers psychosociaux interdépendants qui peuvent conduire à la violence et au harcèlement, ou constituer intrinsèquement des expressions du harcèlement, sont notamment:
le descriptif et le contrôle des tâches;
la charge de travail et l’espace de travail;
le temps de travail;
l’environnement de travail physique;
la culture et la fonction de l’organisation;
la façon de diriger;
les relations interpersonnelles au travail;
la «normalisation» de la violence et du harcèlement (OIT 2020c).
En outre, la discrimination, les différences culturelles et linguistiques, et d’autres vulnérabilités croisent généralement les risques psychosociaux, ce qui a des effets sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Pour ces raisons, la convention n° 190 et la recommandation n° 206 disposent que l’évaluation et la gestion des risques sur le lieu de travail tiennent compte de tous les facteurs susceptibles d’accroître le risque de violence et de harcèlement.
Après avoir déterminé tous les dangers et évalué les risques y associés, il convient d’adopter des mesures appropriées pour prévenir ces risques, ou les maîtriser, afin d’en réduire les effets au minimum et de prévenir des cas similaires à l’avenir.
La détermination des dangers et l’évaluation des risques de violence et de harcèlement peuvent également constituer une voie pour répondre aux préoccupations qui peuvent concerner particulièrement les personnes handicapées et d’autres individus ou groupes en situation de vulnérabilité. Les exemples de mesures visant à prévenir et à maîtriser les risques peuvent varier et dépendent de la nature du lieu de travail et de la main-d’œuvre, ainsi que du secteur dans lequel les employeurs opèrent. Ces mesures peuvent inclure:
la mise en place ou la mise à jour des contrôles de l’accès aux installations;
l’installation de caméras de sécurité;
la révision des descriptifs de poste afin de faire en sorte que les devoirs et obligations relatifs à la sûreté et à la sécurité des travailleurs soient clairement définis; et
la création de protocoles d’intervention en cas de violence et de harcèlement sur le lieu de travail.
Encadré 21. Violence et harcèlement en tant que question de sécurité et de santé à inclure dans les réglementations relatives à la SST
Récemment, un nombre croissant de pays ont inclus une mention expresse de la violence et du harcèlement et des risques psychosociaux y associés dans la gestion de la SST, y compris dans le champ d’application de la législation relative à l’indemnisation des travailleurs.
Australie: en 2021, un guide publié par Safe Work Australia a défini le harcèlement sexuel comme un danger sur le lieu de travail dont on sait qu’il cause des risques psychologiques et physiques pour la santé et la sécurité (Australie 2021a). Par conséquent, les employeurs sont tenus:
d’examiner les politiques relatives au comportement au travail et à la santé et à la sécurité sur le lieu de travail, ainsi que les pratiques actuelles sur le lieu de travail, afin de faire en sorte que les risques de harcèlement sexuel sur le lieu de travail soient repérés et dûment combattus, et que les obligations en matière de diligence raisonnable et les obligations des agents s’étendent au harcèlement sexuel sur le lieu de travail;
de garantir que tous les travailleurs connaissent et comprennent ces politiques, ainsi que leurs droits et obligations s’agissant du harcèlement sexuel;
de garantir que tous les «lieux de travail» sont inclus dans ces examens, compte tenu du caractère répandu du travail à distance;
de garantir que les procédures de signalement internes rendent bien compte des informations sur les cas survenus, avec précision et à temps.
Belgique: en 2014, la définition de la violence et du harcèlement au travail figurant dans les réglementations liées à la SST a été modifiée en vue d’y inclure les risquespsychosociaux, dont le stress, le burn-out et les conflits interpersonnels (Arrêt royal de 2014 relatif à la prévention des risques psychosociaux au travail).
Canada: l’article 8 (Recensement des facteurs de risque) du Règlement de 2020 sur la prévention du harcèlement et de la violence sur le lieu de travail dispose ce qui suit:
L’employeur, conjointement avec le partenaire concerné, recense les facteurs de risque, internes et externes au lieu de travail, qui contribuent au harcèlement et à la violence sur le lieu de travail, en tenant compte:
de la culture, des conditions, des activités et de la structure organisationnelle du lieu de travail;
des circonstances externes au lieu de travail, telles que la violence familiale, susceptibles de donner lieu à du harcèlement et à de la violence sur le lieu de travail;
de tous rapports, registres et données en lien avec le harcèlement et la violence sur le lieu de travail;
de la conception physique du lieu de travail;
des mesures en place pour protéger la santé et la sécurité psychologique sur le lieu de travail.
Danemark: le décret de 2020 sur l’environnement de travail psychosocial inclut expressément le «comportement offensant, y compris le harcèlement moral et le harcèlement sexuel» (art. 22 à 24), qui est défini comme «une situation dans laquelle une ou plusieurs personnes expose(nt) une ou plusieurs personnes de l’entreprise, massivement ou à plusieurs reprises, au harcèlement moral, au harcèlement sexuel ou à un autre comportement dégradant sur le lieu de travail. Ce comportement doit être considéré comme dégradant par la personne qui le subit». Ce décret inclut également la violence liée au travail, qui est définie comme la «situation dans laquelle les personnes qui ne sont ni salariées ni employeuses de l’entreprise, notamment des citoyens et des clients, font usage de la violence à l’endroit d’employés ou d’employeurs» (art. 25). Dans les deux cas, il dispose qu’à «tous les stades, le travail doit être planifié, organisé et exécuté de manière responsable, compte dûment tenu de la santé et de la sécurité, à court et long termes» (art. 22, 26 et 31). Il dispose également qu’en cas de violence liée au travail en dehors des heures de travail, «l’employeur doit garantir que les salariés sont dûment informés de la marche à suivre pour faire face à des épisodes violents liés au travail en dehors des heures de travail et à leur préfiguration» (art. 32(1)). En outre, «pour emploi dans le cadre de l’assistance fournie, l’employeur doit faire en sorte que des lignes directrices soient établies pour faciliter la bonne gestion des épisodes violents liés au travail en dehors des heures de travail et de leur préfiguration» (art. 32(2)). Enfin, l’article 34 dispose également que «l’employeur doit garantir que tout salarié qui subit un événement violent lié au travail en dehors des heures de travail bénéficie d’une aide pour dénoncer cet incident à la police».
Grenade: la politique nationale de 2019 sur la SST dispose ce qui suit: «Tous les travailleurs doivent être couverts par la présente politique, qu’ils soient employés à temps complet, à temps partiel, ou d’une autre manière, y compris les stagiaires, les personnes aux capacités différentes, les prisonniers et les sous-traitants. Les mesures qui découlent de la présente politique seront mises en œuvre dans chaque lieu de travail, dans les secteurs public, privé ou informel, et seront équitables, inclusives et non discriminatoires. Les autres personnes qui ont une raison de se trouver sur ce lieu de travail doivent également tirer protection de cette politique» (Grenade 2019, p. 10).
Mexique: la norme mexicaine officielle NOM-035-STPS-2018 (NOM-035) vise à déterminer, à analyser et à prévenir les facteurs de risques psychosociaux sur le lieu de travail qui peuvent causer des troubles anxieux, des états de stress graves ou des troubles de l’adaptation, qui découlent de la nature du travail que les salariés accomplissent, entre autres questions. Les facteurs de risque sont notamment «les relations familiales, la direction et les relations négatives, et la violence sur le lieu de travail». Les entreprises comptant 16 salariés ou plus sont également tenues:
de déterminer et d’analyser les facteurs de risque;
d’effectuer une évaluation psychologique et un examen médical pour le salarié qui présente des symptômes d’une altération de sa santé;
de créer un programme pour prévenir et contrôler les facteurs de risque, qui peut inclure une politique de prévention écrite favorisant la sensibilisation et l’aide sociale, ainsi qu’un moyen de porter plainte.
Pérou: en juillet 2019, le Pérou a adopté une législation imposant aux employeurs d’adopter des politiques contre le harcèlement et des procédures d’enquête, de dispenser une formation contre le harcèlement et de mener des évaluations de risque de harcèlement sexuel annuelles 30.
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord: en 2020, la Commission de l’égalité et des droits de l’homme a publié des orientations techniques sur le harcèlement sexuel et le harcèlement au travail d’après lesquelles les employeurs doivent réfléchir sur les déséquilibres de pouvoir dans leur organisation et envisager ce qu’ils pourraient faire pour y remédier. En outre, elles recommandent de mener une évaluation des risques de harcèlement sexuel en utilisant les cadres de gestion des risques existants qui sont traditionnellement utilisés dans le contexte de la santé et de la sécurité au travail. Les évaluations doivent déterminer les risques, tels que les déséquilibres de pouvoir, l’insécurité de l’emploi, le fait de travailler seul, la présence d’alcool, les tâches face au client, les événements particuliers qui soulèvent des tensions à l’échelle locale ou nationale, le manque de diversité au sein de la main-d’œuvre et le détachement de travailleurs, ainsi que des mesures de contrôle, afin de réduire ces risques au minimum (Royaume-Uni 2020).
28 Cela est particulièrement important pour les travailleurs dans l’économie informelle. Si les réglementations relatives à la SST contribuent à protéger les travailleurs contre les risques liés à la SST dans l’économie formelle, les travailleurs de l’économie informelle, qui, dans certains pays, peuvent représenter la majorité des travailleurs, ne sont souvent pas couverts par les réglementations relatives aux conditions de travail ou à la SST parce que les entreprises dans lesquelles ils travaillent ne sont pas réglementées ni enregistrées, et que les systèmes d’inspection du travail ne sont pas toujours en contact avec elles. Les millions de travailleurs qui opèrent dans l’économie informelle peuvent donc être d’autant plus vulnérables à la violence et au harcèlement, et avoir du mal à trouver de l’aide ou à être soignés après un accident, en particulier faute de protection sociale. Il est donc nécessaire de continuer à promouvoir et à renforcer la SST dans les lieux de travail informels au moyen de formations, d’activités de sensibilisation et de programmes ciblés. Voir OIT 2018d.
29 En 2016, la réunion d’experts sur la violence contre les femmes et les hommes dans le monde du travail a également défini une série de facteurs qui accroissent le risque de violence et de harcèlement, dont: a) le travail en contact avec le public; b) le travail avec des personnes en souffrance; c) le travail avec des objets de valeur; d) le travail dans les situations où les travailleurs ne sont pas couverts ou sont couverts de manière inadéquate par la législation du travail et la protection sociale; e) le travail dans un climat de restrictions (des locaux mal équipés ou une dotation insuffisante en personnel peuvent provoquer attentes et frustrations); f) des horaires de travail difficilement conciliables avec une vie sociale (par exemple, le travail du soir et de nuit); g) le travail effectué seul, dans un relatif isolement ou dans des lieux éloignés; h) le travail dans des espaces d’intimité et dans des domiciles privés; i) le pouvoir de refuser des services, qui augmente le risque de violence et de harcèlement de la part de ceux qui ont demandé ces services; j) le travail dans des zones de conflit, en particulier la fourniture de services publics et de secours; et k) les taux élevés de chômage (BIT 2016b, paragr. 9).
30 Décret suprême n° 014-2019-MIMP: la nouvelle réglementation dispose également que les employeurs sont tenus d’adopter des politiques contre le harcèlement et des procédures d’enquête, de dispenser une formation contre le harcèlement et d’effectuer des analyses annuelles du risque de harcèlement sexuel.
5.4. Fournir des informations et une formation accessibles
La convention dispose également que les États qui l’ont ratifiée doivent prescrire aux employeurs de fournir aux travailleurs et autres personnes concernées, sous des formes accessibles selon le cas, des informations et une formation sur les dangers et les risques de violence et de harcèlement identifiés et sur les mesures de prévention et de protection correspondantes, y compris sur les droits et responsabilités des travailleurs et autres personnes concernées (convention n° 190, art. 9 d)). Fournir des informations et une formation peut contribuer à établir une culture sur le lieu de travail propice à la réduction du risque de violence et de harcèlement, ainsi qu’à garantir que les travailleurs savent comment dénoncer la violence ou le harcèlement, le cas échéant, et vers quelles ressources se tourner.
Il est essentiel d’élaborer des approches et des méthodes efficaces en matière de formation pour prévenir la violence et le harcèlement. La pratique récente se concentre sur une plus grande maîtrise des compétences liées à la sensibilisation et de la gestion des conflits, ou sur la lutte contre les normes sociales préjudiciables qui ont des répercussions sur le monde du travail. Les méthodes visant à promouvoir la civilité sur le lieu de travail, l’égalité et le respect, l’intervention de tiers, à déterminer les biais inconscients, à accroître l’intelligence émotionnelle et à développer une communication et des compétences de supervision plus efficaces sont des pratiques prometteuses (McCann 2018) 31.
Encadré 22. Dispositions et initiatives récentes sur la formation à la prévention de la violence et du harcèlement sur le lieu de travail
Italie: d’après le paragraphe 3 bis du Code de l’égalité des chances, tel que modifié en 2018, en vertu de l’article 2087 du Code civil, les employeurs sont tenus d’assurer des conditions de travail qui garantissent l’intégrité physique et psychique et la dignité des travailleurs, et de convenir avec les syndicats des mesures d’information et de formation visant à prévenir le harcèlement sexuel au travail.
États-Unis: un nombre croissant d’États et de villes des États-Unis ont adopté des textes législatifs qui imposent une formation sur le harcèlement sexuel; des lois, réglementations et décisions judiciaires fédérales et d’État ont clairement établi que les employeurs devaient dispenser une formation contre le harcèlement à tous les salariés dans tous les États. La Californie dispose également que les employeurs doivent dispenser une formation sur le harcèlement en anglais et en espagnol. La ville de New York a adopté la loi n° 96 de 2018 contre le harcèlement sexuel qui impose à tous les employeurs de 15 salariés et plus de dispenser une formation annuelle sur le harcèlement sexuel à tous les salariés, stagiaires, sous-traitants indépendants et travailleurs à leur compte. Les autorités de la ville ont créé un site Web qui dispense gratuitement la formation nécessaire (Ville de New York, 2018).
Encadré 23. Formation sur la prévention du harcèlement sexuel dans l’industrie mondiale de l’habillement: expériences du programme Better Work de l’OIT et de la SFI
Depuis 2012, le programme Better Work de l’OIT et de la SFI apporte une assistance technique et renforce les capacités s’agissant des conditions de travail dans l’industrie de l’habillement, notamment en combattant le harcèlement sexuel et en encourageant l’égalité et la non-discrimination 1. Les éléments probants et l’expérience de Better Work montrent que le harcèlement sexuel peut être réduit:
en établissant une politique de lutte contre le harcèlement, en instaurant des mécanismes de plainte internes et en créant des procédures d’orientation vers les autorités nationales compétentes;
en alignant les primes des superviseurs et des travailleurs, par exemple en évitant de fixer des quotas de production élevés pour les travailleurs tout en prévoyant une rémunération salariale
en renforçant les capacités des dirigeants, des superviseurs hiérarchiques et des travailleurs s’agissant de la prévention du harcèlement sexuel et de la réaction à avoir quand du harcèlement sexuel est dénoncé, au moyen d’une formation adaptée au contexte culturel;
en améliorant les compétences dans les domaines de la communication et de la supervision par l’intermédiaire de la formation;
en luttant contre la tolérance du harcèlement sexuel dans l’organisation par une sensibilisation dans toute l’entreprise.
1 Pour plus d’informations, voir le site Web de Better Work à l’adresse suivante: https://betterwork.org/ (Brown, Dehejia et Robertson 2018; Babbit, Brown et Antolin 2020; Brown et Lin 2014; Truskinovsky, Rubin et Brown 2014).
Cette approche a fait la preuve de son efficacité:
Cambodge: comme suite aux services de Better Work, les travailleurs ont dit que leur exposition au harcèlement sexuel avait reculé de près d’un point sur une échelle qui en compte quatre entre 2015 et 2018.
Jordanie: comme suite à la sensibilisation et à la formation spécialisée de Better Work, la probabilité que des travailleurs soient concernés par du harcèlement sexuel dans l’usine a diminué de 18 points de pourcentage ces six dernières années.
31 À titre d’exemple, les programmes visant à modifier les normes communautaires et à donner aux tiers les moyens d’agir pour mettre un terme à l’agression et au harcèlement ont montré de bons résultats. La formation sur l’intervention de tiers, par exemple, est liée à des changements comportementaux, ainsi qu’à une diminution du nombre d’agressions sur les campus universitaires et au sein de l’armée américaine (Hayes, Kaylor et Oltman 2020; Danna et al. 2020; Mishra et Davison 2020).