La convention n° 190 énonce des mesures visant à permettre et à accélérer un changement socioculturel plus profond et à basculer vers un paradigme de respect, sûreté et sécurité pour tous au travail. Les articles 4(2) et 11 disposent que les États qui ont ratifié la convention, en consultation avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, doivent combattre la violence et le harcèlement dans des politiques pertinentes; mettre au point des outils, des orientations, une éducation et une formation; et sensibiliser, sous des formes accessibles selon le cas.
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7.1. Tenir compte de la violence et du harcèlement dans les politiques pertinentes
L’article 11 a) de la convention n° 190 prévoit que «la question de la violence et du harcèlement dans le monde du travail est traitée dans les politiques nationales pertinentes, comme celles relatives à la sécurité et à la santé au travail, à l’égalité et à la non-discrimination et aux migrations». À la lumière de la complexité de ce problème multiforme et du vaste ensemble de personnes qui ont besoin de protection, la violence et le harcèlement devraient être intégrés dans toutes les politiques pertinentes liées au monde du travail. Ainsi, les pays qui ont ratifié la convention seraient en mesure de garantir une approche globale et de tirer parti des points d’entrée spécifiques et des mesures mises en place par différentes interventions stratégiques.
Encadré 34. Violence et harcèlement dans les politiques pertinentes: exemples choisis
Belgique: le troisième Plan d’action national de lutte contre toutes lesformes de violence basée sur le genre (2015-2019) met en avant des mesures de sensibilisation à la traite des êtres humains et à d’autres formes de violence et de harcèlement, notamment parmi les réfugiés et les migrants, et dans des secteurs où l’exploitation à des fins économiques peut avoir cours. En particulier, une attention est accordée à l’hôtellerie, à la construction, à l’agriculture, au secteur manufacturier et à la pêche. Priorité est donnée aux projets élaborés conjointement avec les syndicats en vue de trouver des moyens plus efficaces et solides pour prévenir la traite. Certaines mesures visent à améliorer l’accès des victimes à certains droits, dont le versement des salaires impayés 43.
Grenade: la Politique nationale sur la SST définit le rôle du ministère de la Santé s’agissant de l’appui au ministère du Travail dans la promotion de la santé sur le lieu de travail, y compris pour ce qui concerne «la fin du tabagisme, de la consommation excessive d’alcool, de la consommation de stupéfiants, de la promiscuité, du stress, de la colère et de la violence, ainsi que le souci d’éviter d’autres comportements qui nuisent à la vie» (Grenade 2019, 16).
Lesotho: la Politiquenationalesurlasécuritéetlasantéautravailde 2020 indique expressément que «la violence et le harcèlement» sont une question de SST à laquelle chaque chef de département ou d’institution du service public et chaque agent du service public doit accorder une attention particulière et qu’il doit surveiller (Lesotho 2020).
Portugal: la Stratégie nationale pour l’égalité et la non-discrimination pour 2018-30 («Portugal + Igual» – ENIND), adoptée par la décision n° 61/2018 du Conseil des ministres, énonce un objectif précis pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, notamment par la promotion d’une culture de la non-violence et de la tolérance.
Afrique du Sud: le gouvernement sud-africain a expressément reconnu la violence fondée sur le genre en ligne dans le Plan stratégique national sur la violence fondée sur le genre et les féminicides 2020-2030. La violence en ligne à l’égard des femmes est définie comme suit: «tout acte de violence fondée sur le genre qui est commis à l’égard d’une femme en partie ou en totalité au moyen des technologies de l’information et de la communication, qui s’appuie sur celles-ci ou qui est aggravé par celles-ci, notamment les téléphones mobiles et les téléphones intelligents, Internet, les plateformes des médias sociaux ou les courriels, qui vise une femme parce qu’elle est une femme, ou qui touche les femmes de manière disproportionnée». Au cours des cinq prochaines années, le gouvernement envisage de mener des études sur les effets de la violence en ligne à l’égard des femmes et de lancer des programmes de sensibilisation à la cyberviolence et des stratégies contre la violence fondée sur le genre (Afrique du Sud 2020).
Zimbabwe: la Politique nationale de 2020 relative à la migration de main-d’œuvre tient compte de la violence et du harcèlement, et en particulier de la violence et du harcèlement fondés sur le genre. Elle vise en particulier à faire en sorte que les droits des travailleurs migrants, qu’ils quittent un pays ou qu’ils arrivent dans un pays, et en particulier les droits des travailleuses migrantes, qui sont plus vulnérables à la violence fondée sur le genre, aux violences sexuelles et à la traite des êtres humains, soient défendus conformément à l’Agenda de l’OIT pour le travail décent au cours des trois stades du processus migratoire (Zimbabwe 2020).
43 Le Plan d’action national contient également plusieurs autres mesures opérationnelles, dont l’utilisation au mieux et l’application efficace des instruments juridiques; la formation des professionnels concernés; l’amélioration de la protection des victimes et des services spécialisés; le maintien de l’attention internationale sur la question et les mesures de coordination; et la sensibilisation du personnel de première ligne, des acteurs de la société civile et de la population générale à la traite (Belgique 2015).
7.2. Promotion des orientations, de la formation et de la sensibilisation
Afin d’accélérer un changement socioculturel et de doter les autorités compétentes, ainsi que les employeurs, les travailleurs et leurs organisations respectives, des informations et outils nécessaires pour prévenir et éliminer la violence et le harcèlement dans leurs domaines d’influence respectifs, la convention n° 190 dispose que les pays qui l’ont ratifiée doivent fournir des orientations, des formations et des ressources, sous des formes accessibles selon le cas (art. 11 b)). Le paragraphe 23 de la recommandation n° 206 souligne le rôle que les acteurs clés pourraient jouer à ce propos, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la justice et des médias. En outre, l’article 11 c) de la convention impose également aux États de prendre des initiatives, notamment de mener des campagnes de sensibilisation. La sensibilisation est un volet important d’une stratégie plus large de prévention et d’élimination de la violence et du harcèlement, mais la convention n° 190 et la recommandation n° 206 nous rappellent qu’elle n’est pas efficace si elle est isolée. Elle peut réaliser tout son potentiel uniquement dans le contexte plus large d’une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre.
Encadré 35. Exemples d’initiatives récentes en matière de sensibilisation ou d’autre nature
Argentine: le bureau de conseil concernant la violence sur le lieu de travail du ministère national du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a créé un Observatoire de la violence sur le lieu de travail, qui fournit des données que la population peut consulter et auprès duquel elle peut dénoncer des cas de violence sur le lieu de travail dans la zone métropolitaine de Buenos Aires. Cet observatoire génère des informations sur les consultations et les plaintes, et élabore des orientations sur la prévention de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, ainsi que d’autres outils et matériels de sensibilisation (Argentine, Chambre des députés de la province d’Entre Ríos 2020).
Brésil: en 2017, le bureau du ministère public chargé du travail, en partenariat avec le BIT, a élaboré des orientations sur la prévention du harcèlement sexuel au travail et la lutte contre ce phénomène (Brésil, ministère public du Travail et OIT 2017).
Danemark: les partenaires sociaux et l’Autorité nationale chargée de l’environnement de travail ont récemment lancé une campagne de prévention du harcèlement sexuel et de la conduite inacceptable et offensante au travail. Comme suite à la modification apportée en 2018 à la loi sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes, les partenaires sociaux et l’Autorité chargée de l’environnement de travail ont uni leurs forces pour mener la campagne «Où est la limite?» qui met l’accent sur la prévention du harcèlement sexuel. Cette campagne a pour objectif de prévenir la conduite inacceptable et offensante au travail et vise ainsi à créer un environnement de travail et des lieux de travail exempts de harcèlement sexuel 44.
Équateur: le Conseil du judiciaire a élaboré des politiques visant à prévenir la violence, les mauvais traitements ou l’exploitation sexuelle et à garantir l’accès des femmes victimes de violence, quel que soit leur statut migratoire, à la justice et à la protection (Équateur 2016).
Égypte: le Conseil national de la femme, en partenariat avec le ministère de la Main- d’œuvre, la Fédération des industries égyptiennes et d’autres, a lancé une vidéo de sensibilisation sur le rôle des propriétaires d’entreprises et des sociétés dans la sûreté des lieux de travail pour les femmes (ONU-Femmes 2020).
Népal: avec le soutien du BIT, le gouvernement a examiné les lois et les politiques nationales contre la violence fondée sur le genre, examen validé par les organisations d’employeurs et de travailleurs qui a conduit à l’approbation d’un plan pour les futures mesures. Dans le cadre du suivi, et avec le soutien du BIT, un Groupe d’action pour la convention n° 190 a été créé dont les membres ont été nommés par le gouvernement et les organisations de travailleurs et d’employeurs. Ce groupe coordonne les activités de renforcement des capacités pour les organisations d’employeurs et de travailleurs (OIT 2021a).
Paraguay: le ministère de la Femme a mis au point un programme appelé «Empresa Segura» (Entreprise sûre) qui vise à sensibiliser et à fournir des orientations sur la gestion des situations liées notamment à la violence sexiste et à un environnement de travail juste et sûr. Les activités menées à ce jour ont notamment porté sur une formation sur «la gestion des conflits et l’orientation des cas» qui cible les directeurs généraux et les chefs d’unité. Cette formation est coordonnée par des psychologues spécialisés et s’appuie sur des techniques de prévention et de détection de la violence à l’égard des femmes (Paraguay, sans date).
Pérou: le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi a créé des outils de formation et de sensibilisation à la question du harcèlement au travail, à l’intention des employeurs et des travailleurs (Pérou 2019).
Afrique du Sud: en 2020, Minerals Council South Africa a lancé une campagne contre la violence et le harcèlement sexuels et fondés sur le genre dans les mines sud-africaines, dans les communautés minières et dans les communautés pourvoyeuses de main-d’œuvre. Cette campagne invite toutes les sociétés membres, d’autres acteurs du secteur et les résidents des communautés minières et des zones pourvoyeuses de main-d’œuvre à lutter contre la violence fondée sur le genre et les sévices sur le lieu de travail et dans leur communauté, et, lorsqu’ils assistent à de tels actes, à ne pas rester passifs mais à dénoncer ces actes et à prendre les mesures nécessaires (Minerals Council South Africa 2020).
44 Dans le cadre de cette campagne, un site Web a été créé pour fournir des informations sur ce sujet. Il y a notamment une campagne vidéo et une brochure contenant dix recommandations relatives à la façon de prévenir le harcèlement sexuel et d’y faire face. Un outil a également été mis au point pour le dialogue. Il comprend un ensemble de cartes de dialogue qui visent à faciliter les discussions sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et la prévention de ce phénomène (Norrbom Vinding 2019).