En vertu de la convention n° 190, les pays qui l’ont ratifiée sont tenus d’établir des mécanismes de contrôle de l’application et de suivi ou de renforcer ceux qui existent, pour suivre et faire appliquer la législation nationale relative à la violence et au harcèlement (art. 4(2) d) et 10 a)) ainsi que pour garantir l’existence de moyens d’inspection et d’enquête efficaces, y compris par le biais de l’inspection du travail ou d’autres organismes compétents (art. 4(2) h)).
L’inspection du travail est une fonction publique vitale qui est au cœur de la promotion et de l’application de conditions de travail décentes et du respect des principes et droits fondamentaux au travail. Elle est indispensable à la protection des droits des travailleurs et à la promotion d’environnements de travail sûrs pour tous les travailleurs (OIT 2020j). La convention (n° 81) sur l’inspection du travail, 1947, et son protocole de 1995 définissent les fonctions et pouvoirs des inspecteurs du travail, dont les pouvoirs de supervision, d’injonction et de sanction 38. Aux termes de l’article 3 de la convention n° 81, les fonctions du système d’inspection du travail seront:
- d’assurer l’application des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profession […] ;
- de fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs sur les moyens les plus efficaces d’observer les dispositions légales;
- de porter à l’attention de l’autorité compétente les déficiences ou les abus qui ne sont pas spécifiquement couverts par les dispositions légales existantes.
En outre, l’article 12 de la convention n° 81 dispose ce qui suit:
Les inspecteurs du travail munis de pièces justificatives de leurs fonctions seront autorisés:
- à pénétrer librement sans avertissement préalable à toute heure du jour et de la nuit dans tout établissement assujetti au contrôle de l’inspection;
- à pénétrer de jour dans tous les locaux qu’ils peuvent avoir un motif raisonnable de supposer être assujettis au contrôle de l’inspection;
- à procéder à tous examens, contrôles ou enquêtes jugés nécessaires pour s’assurer que les dispositions légales sont effectivement observées 39.
L’article 13(1) dispose également que «les inspecteurs du travail seront autorisés à provoquer des mesures destinées à éliminer les défectuosités constatées dans une installation, un aménagement ou des méthodes de travail qu’ils peuvent avoir un motif raisonnable de considérer comme une menace à la santé ou à la sécurité des travailleurs». En outre:
Afin d’être à même de provoquer ces mesures, les inspecteurs auront le droit, sous réserve de tout recours judiciaire ou administratif que pourrait prévoir la législation nationale, d’ordonner ou de faire ordonner:
- que soient apportées aux installations, dans un délai fixé, les modifications qui sont nécessaires pour assurer l’application stricte des dispositions légales concernant la santé et la sécurité des travailleurs;
- que des mesures immédiatement exécutoires soient prises dans les cas de danger imminent pour la santé et la sécurité des travailleurs (art. 13(2)) 40.
Aux côtés de l’inspection du travail, d’autres organismes nationaux peuvent être chargés de contrôler l’application de la législation relative à la violence et au harcèlement dans le monde du travail. Par exemple, de nombreux pays comptent un organisme national indépendant chargé du suivi et de la mise en œuvre de la législation relative aux droits de l’homme et de la lutte contre la discrimination; d’autres pays ont des organismes qui se chargent de certains groupes, par exemple des femmes (BIT 2017).
La convention n° 190 dispose que les États qui l’ont ratifiée doivent «veiller à ce que l’inspection du travail et d’autres autorités compétentes, le cas échéant, soient habilitées à traiter la question de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, notamment en ordonnant des mesures immédiatement exécutoires ou l’arrêt du travail lorsqu’il existe un danger imminent pour la vie, la santé ou la sécurité, sous réserve de tout droit de recours judiciaire ou administratif qui pourrait être prévu par la législation» (art. 10 h)) 41. À ce propos, le paragraphe 21 de la recommandation n° 206 précise que la violence et le harcèlement dans le monde du travail devraient être inclus non seulement dans le mandat des organismes nationaux chargés de l’inspection du travail et de la SST, mais également dans celui des organismes nationaux chargés de l’égalité et de la non-discrimination, y compris l’égalité de genre. La recommandation n° 206 dispose également que les inspecteurs du travail et les agents d’autres autorités compétentes devraient recevoir une formation intégrant les considérations de genre pour pouvoir détecter et agir contre la violence et le harcèlement, y compris les dangers et risques psychosociaux, la violence et le harcèlement fondés sur le genre et la discrimination visant certains groupes de travailleurs (paragr. 20).
Encadré 33. Renforcement des mécanismes de contrôle
6.2.1. Améliorer la collecte de données
L’élaboration de législations et de politiques efficaces pour soutenir un monde du travail exempt de violence et de harcèlement passe par la collecte de données régulières, complètes et fiables. Cependant, les données sur la violence et le harcèlement sont souvent limitées en raison de tabous culturels, de la honte ou de la peur de parler, ainsi que du manque de clarté quant à ce qui constitue un comportement inacceptable. La recommandation n° 206 demande aux États Membres de «s’efforcer de collecter des données et de publier des statistiques sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail, ventilées par sexe, par forme de violence et de harcèlement et par secteur d’activité économique, notamment s’agissant des groupes visés à l’article 6 de la convention» (paragr. 22).
De manière générale, les statistiques sur la violence et le harcèlement liés au travail sont collectées par l’intermédiaire de trois grandes catégories de sources:
- Les sources administratives, dont les registres SST sur les accidents et les maladies liés au travail, les procès-verbaux de police, les dossiers d’indemnisation des compagnies d’assurance, les procès-verbaux d’audience et les dossiers d’hospitalisation. Ces sources ont une portée limitée car elles rendent uniquement compte des cas de violence physique et signalent très peu les cas dans lesquels les violences ne causent pas de blessures graves ou n’entraînent pas la mort.
- Les enquêtes auprès des entreprises ne sont généralement pas considérées comme une source de données adéquate parce qu’elles collectent des informations auprès des employeurs et non des travailleurs eux-mêmes et que les employeurs ne disposent généralement pas des procédures adéquates pour enregistrer les cas de violence et de harcèlement.
- Les enquêtes auprès des ménages ou les enquêtes individuelles permettent de collecter lesinformations directement auprès de la population exposée aux violences ou des victimes des violences et peuvent couvrir toutes les formes de violence. Elles présentent donc des avantages par rapport aux deux autres sources malgré les difficultés qui entourent leur exécution.
Le BIT s’emploie à élaborer des normes statistiques internationales sur la mesure de la violence et du harcèlement liés au travail. Les futures lignes directrices statistiques constitueront un outil essentiel pour les pays souhaitant améliorer leur collecte de données et leur permettront de produire des statistiques fiables, comparables et pertinentes d’un point de vue stratégique.
38 La convention (n° 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, dont le contenu est similaire à celui de la convention n° 81, impose aux États qui l’ont ratifiée d’établir et d’avoir un système d’inspection du travail dans l’agriculture.
39 S’agissant des examens, l’article 12(1) c) de la convention n° 81 précise également que les inspecteurs du travail seront autorisés: i) à interroger, soit seuls, soit en présence de témoins, l’employeur ou le personnel de l’entreprise sur toutes les matières relatives à l’application des dispositions légales; ii) à demander communication de tous livres, registres et documents dont la tenue est prescrite par la législation relative aux conditions de travail, en vue d’en vérifier la conformité avec les dispositions légales et de les copier ou d’en établir des extraits; iii) à exiger l’affichage des avis dont l’apposition est prévue par les dispositions légales; iv) à prélever et à emporter aux fins d’analyse des échantillons des matières et substances utilisées ou manipulées, pourvu que l’employeur ou son représentant soit averti que des matières ou substances ont été prélevées et emportées à cette fin.
40 S’agissant du travail domestique, souvent, les inspecteurs du travail ne sont pas autorisés à entrer dans les ménages privés pour inspecter les cas de violations (BIT 2016e). L’article 17 de la convention n° 189 dispose toutefois que les Membres doivent «établir et mettre en œuvre des mesures en matière d’inspection du travail, de mise en application et de sanctions, en tenant dûment compte des caractéristiques particulières du travail domestique, conformément à la législation nationale» et que «ces mesures doivent prévoir les conditions auxquelles l’accès au domicile du ménage peut être autorisé». Certains pays autorisent les inspecteurs du travail à pénétrer dans les ménages privés avec l’autorisation d’un juge, tandis que d’autres ont renforcé la coopération avec le judiciaire s’agissant des présomptions juridiques, des signes de violences, de l’autorisation de visites d’inspection et des procédures judicaires d’urgence pour obtenir l’accès au ménage. À titre d’exemple, en Espagne, la loi n° 36/2011 du 10 octobre 2011 (loi portant réglementation de la juridiction sociale) dispose que l’inspection générale du travail et de la sécurité sociale peut demander à un juge l’autorisation d’inspecter un domicile, même lorsque le propriétaire s’y oppose, ou est susceptible de s’y opposer, pour autant que l’inspection soit liée à une éventuelle procédure administrative devant les tribunaux chargés des questions sociales ou vise à permettre toute autre inspection ou tout autre contrôle lié aux droits ou libertés fondamentaux. En Finlande, l’article 9 de la loi sur le contrôle de la sécurité et de la santé au travail et la coopération sur la sécurité et la santé au travail sur les lieux de travail (loi n° 44/2006) dispose qu’une inspection peut être menée dans la sphère de la paix domiciliaire (intimité de la vie privée), en vertu des procédures d’autorisation adéquates, s’il existe un motif raisonnable de soupçonner que le travail exécuté sur les lieux ou que les conditions de travail constituent une menace pour la vie ou la santé d’un salarié.
41 La convention (n° 81) sur l’inspection du travail, 1947, et son protocole de 1995 définissent les pouvoirs des inspecteurs du travail, dont les pouvoirs de supervision et d’injonction. Le contrôle de l’application et les sanctions devraient être associés à la fourniture d’informations et de conseils techniques pour aider les employeurs à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles.
42 Pour un aperçu d’autres pays de l’UE, voir Commission européenne 2016.