L’article 9 b) et c) de la convention n° 190 reconnaît que la violence et le harcèlement, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre, et les risques psychosociaux y associés, constituent non seulement une question de discrimination et d’inéquité, mais également un risque pour la santé.
Article 9
Tout Membre doit adopter une législation prescrivant aux employeurs de prendre des mesures appropriées correspondant à leur degré de contrôle pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre, et en particulier, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable: […]
- de tenir compte de la violence et du harcèlement, et des risques psychosociaux qui y sont associés, dans la gestion de la sécurité et de la santé au travail;
- d’identifier les dangers et d’évaluer les risques de violence et de harcèlement, en y associant les travailleurs et leurs représentants, et de prendre des mesures destinées à prévenir et à maîtriser ces dangers et ces risques;
Au fil des dernières décennies, plusieurs instruments de l’OIT relatifs à la SST ont été élaborés pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs. Il s’agit des normes suivantes:
- Convention (n° 155) et recommandation (n° 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981;
- Protocole de 2002 relatif à la convention sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981;
- Convention (n° 161) et recommandation (n° 171) sur les services de santé au travail, 1985;
- Recommandation (n° 194) sur la liste des maladies professionnelles, 2002; et
- Convention (n° 187) et recommandation (n° 197) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006.
Même si ces instruments ne traitent pas expressément de la violence et du harcèlement, cette conduite a toujours été considérée comme un risque évident pour la santé (OIT 2020c). La convention n° 190 et la recommandation n° 206 énoncent désormais clairement que la violence et le harcèlement, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre, doivent être abordés dans le cadre de la gestion de la SST. L’article 12 de la convention n° 190 précise que l’un des moyens d’appliquer les dispositions de la convention consiste à étendre ou à adapter «les mesures existantes de sécurité et de santé au travail à la question de la violence et du harcèlement et [à élaborer] des mesures spécifiques si nécessaire» 28. Dans plusieurs pays, la législation relative à la SST inclut déjà le devoir de l’employeur d’évaluer les risques pour la sécurité et la santé associés à son lieu de travail afin de les repérer, de les réduire et, chaque fois que possible, de les prévenir. Si la direction est responsable du contrôle des risques, les travailleurs ont un rôle essentiel à jouer pour aider à repérer et à analyser les dangers sur le lieu de travail.
De nombreux facteurs contribuent à la violence et au harcèlement au travail, y compris les dangers psychosociaux et le stress au travail (OIT 2020g). Cela étant, le paragraphe 8 de la recommandation n° 206 énonce ce qui suit:
L’évaluation des risques sur le lieu de travail […] devrait tenir compte des facteurs d’aggravation des risques de violence et de harcèlement, y compris les dangers et risques psychosociaux. Une attention particulière devrait être accordée aux dangers et risques qui:
- découlent des conditions et modalités de travail, de l’organisation du travail ou de la gestion des ressources humaines, selon le cas;
- impliquent des tiers, tels que des clients, des prestataires de service, des usagers, des patients et des membres du public;
- sont dus à la discrimination, à des abus liés à des relations de pouvoir, ou à des normes de genre ou normes culturelles et sociales favorisant la violence et le harcèlement 29.
Les risques psychosociaux peuvent être définis comme étant les aspects de la conception, de l’organisation et de l’administration du travail, ainsi que des contextes sociaux et environnementaux, susceptibles de porter préjudice. Les risques psychosociaux qui causent le stress au travail peuvent également accentuer le risque de violence et de harcèlement au travail. Si la violence et le harcèlement peuvent être induits par plusieurs facteurs individuels, sociaux et organisationnels, la recherche montre que, à titre d’exemple, le harcèlement moral va probablement sévir dans des environnements de travail stressants dans lesquels les travailleurs sont exposés à des niveaux élevés de conflits interpersonnels et à des styles de direction toxiques (Johan Hauge, Skogstad et Einarsen 2007). D’autres études montrent également un cercle vicieux dans lequel les risques psychosociaux entraînent le harcèlement, qui entraîne à nouveau des risques psychosociaux (OIT 2020c). Les risques psychosociaux varient selon les secteurs, les lieux de travail, les groupes de travailleurs et les professions. Ils peuvent comprendre la violence et le harcèlement exercés par des tiers, ainsi que la violence domestique, le cas échéant. Les principaux dangers psychosociaux interdépendants qui peuvent conduire à la violence et au harcèlement, ou constituer intrinsèquement des expressions du harcèlement, sont notamment:
- le descriptif et le contrôle des tâches;
- la charge de travail et l’espace de travail;
- le temps de travail;
- l’environnement de travail physique;
- la culture et la fonction de l’organisation;
- la façon de diriger;
- les relations interpersonnelles au travail;
- la «normalisation» de la violence et du harcèlement (OIT 2020c).
En outre, la discrimination, les différences culturelles et linguistiques, et d’autres vulnérabilités croisent généralement les risques psychosociaux, ce qui a des effets sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Pour ces raisons, la convention n° 190 et la recommandation n° 206 disposent que l’évaluation et la gestion des risques sur le lieu de travail tiennent compte de tous les facteurs susceptibles d’accroître le risque de violence et de harcèlement.
Après avoir déterminé tous les dangers et évalué les risques y associés, il convient d’adopter des mesures appropriées pour prévenir ces risques, ou les maîtriser, afin d’en réduire les effets au minimum et de prévenir des cas similaires à l’avenir.
La détermination des dangers et l’évaluation des risques de violence et de harcèlement peuvent également constituer une voie pour répondre aux préoccupations qui peuvent concerner particulièrement les personnes handicapées et d’autres individus ou groupes en situation de vulnérabilité. Les exemples de mesures visant à prévenir et à maîtriser les risques peuvent varier et dépendent de la nature du lieu de travail et de la main-d’œuvre, ainsi que du secteur dans lequel les employeurs opèrent. Ces mesures peuvent inclure:
- la mise en place ou la mise à jour des contrôles de l’accès aux installations;
- l’installation de caméras de sécurité;
- la révision des descriptifs de poste afin de faire en sorte que les devoirs et obligations relatifs à la sûreté et à la sécurité des travailleurs soient clairement définis; et
- la création de protocoles d’intervention en cas de violence et de harcèlement sur le lieu de travail.
Encadré 21. Violence et harcèlement en tant que question de sécurité et de santé à inclure dans les réglementations relatives à la SST
Récemment, un nombre croissant de pays ont inclus une mention expresse de la violence et du harcèlement et des risques psychosociaux y associés dans la gestion de la SST, y compris dans le champ d’application de la législation relative à l’indemnisation des travailleurs.
28 Cela est particulièrement important pour les travailleurs dans l’économie informelle. Si les réglementations relatives à la SST contribuent à protéger les travailleurs contre les risques liés à la SST dans l’économie formelle, les travailleurs de l’économie informelle, qui, dans certains pays, peuvent représenter la majorité des travailleurs, ne sont souvent pas couverts par les réglementations relatives aux conditions de travail ou à la SST parce que les entreprises dans lesquelles ils travaillent ne sont pas réglementées ni enregistrées, et que les systèmes d’inspection du travail ne sont pas toujours en contact avec elles. Les millions de travailleurs qui opèrent dans l’économie informelle peuvent donc être d’autant plus vulnérables à la violence et au harcèlement, et avoir du mal à trouver de l’aide ou à être soignés après un accident, en particulier faute de protection sociale. Il est donc nécessaire de continuer à promouvoir et à renforcer la SST dans les lieux de travail informels au moyen de formations, d’activités de sensibilisation et de programmes ciblés. Voir OIT 2018d.
29 En 2016, la réunion d’experts sur la violence contre les femmes et les hommes dans le monde du travail a également défini une série de facteurs qui accroissent le risque de violence et de harcèlement, dont: a) le travail en contact avec le public; b) le travail avec des personnes en souffrance; c) le travail avec des objets de valeur; d) le travail dans les situations où les travailleurs ne sont pas couverts ou sont couverts de manière inadéquate par la législation du travail et la protection sociale; e) le travail dans un climat de restrictions (des locaux mal équipés ou une dotation insuffisante en personnel peuvent provoquer attentes et frustrations); f) des horaires de travail difficilement conciliables avec une vie sociale (par exemple, le travail du soir et de nuit); g) le travail effectué seul, dans un relatif isolement ou dans des lieux éloignés; h) le travail dans des espaces d’intimité et dans des domiciles privés; i) le pouvoir de refuser des services, qui augmente le risque de violence et de harcèlement de la part de ceux qui ont demandé ces services; j) le travail dans des zones de conflit, en particulier la fourniture de services publics et de secours; et k) les taux élevés de chômage (BIT 2016b, paragr. 9).
30 Décret suprême n° 014-2019-MIMP: la nouvelle réglementation dispose également que les employeurs sont tenus d’adopter des politiques contre le harcèlement et des procédures d’enquête, de dispenser une formation contre le harcèlement et d’effectuer des analyses annuelles du risque de harcèlement sexuel.